« Les vieux ne devraient plus conduire », « ils sont dangereux au volant »… autant de phrases qui reviennent régulièrement et stigmatisent les personnes âgées qui conduisent.
Pourtant, le débat n’est pas près de s’arrêter puisque deux projets de lois prévoient de limiter la conduite des personnes âgées… En France, le député MoDem Bruno Millienne a déposé cette fin juillet 2023 une proposition de loi à l’Assemblée nationale dans le but d’imposer une visite médicale de contrôle pour les conducteurs de plus de 75 ans. « Certains seniors continuent de conduire malgré des capacités cognitives manifestement affaiblies, mettant ainsi en danger leur propre personne et les autres usagers de la route », affirme-t-il dans un article de Capital.fr (26/07/2023).
Au niveau européen aussi, on se penche sur la question. La Commission Européenne réfléchit à instaurer un permis réservé aux conducteurs seniors, âgés de plus de 70 ans. Le permis serait renouvelable tous les 5 ans, sous réserve de la réussite d’un examen médical et/ou de cours de remise à niveau du Code de la Route. Pour l’instant, la France n’a pas donné son avis.
Une mesure stigmatisante pour les personnes âgées et inefficace
Ces projets de loi sur l’encadrement de la conduite des seniors s’appuient souvent sur des accidents dramatiques exceptionnels qui vont stigmatiser l’ensemble des personnes âgées.
Selon les chiffres officiels, non seulement les seniors sont moins représentés par rapport aux jeunes dans les indicateurs de mortalité (en 2022, les 75 ans et plus représentent 15,2 % des morts de la route contre 17,2 % chez les 18-24 ans.), mais ils sont aussi responsables que les jeunes dans les accidents mortels (80 % de taux de responsabilité pour les 75 ans et plus, au même niveau que les 18-24 ans).
Par ailleurs, l’expérience a montré que la mise en place de tests sur les personnes âgées n’avait pas d’effets probants… En effet, des pays européens comme la Suisse, l’Allemagne ou encore l’Espagne ont des contrôles obligatoires à partir d’un certain âge et les résultats sont loin d’être satisfaisants comme l’écrit le Bureau de Prévention des Accidents Suisse dans une note (10/11/2022) « Le BPA a procédé à une évaluation approfondie de ce système et est parvenu à la conclusion que, si ces examens médicaux sont largement acceptés, ils n’ont cependant pas l’effet escompté en matière de gain de sécurité. Les examens médicaux de l’aptitude à la conduite nécessitent beaucoup de ressources, dont l’ampleur ne se justifie guère en l’absence d’efficacité avérée de ces derniers. ».
Finalement, dans ces accidents graves, ce ne sont pas tant les capacités cognitives ou physiques des personnes âgées qui sont responsables mais leurs erreurs de conduite, comme un automobiliste de tout âge pourrait en commettre… Et aucun test médical ne pourra éviter cela, comme l’explique la gériatre Sylvie Bonin-Guillaume, de l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille (AP-HM) dans un article de France TVinfo.fr (26/04/2023) : « il y a une confusion entre les agissements d’un conducteur et les pathologies qui peuvent vous empêcher de conduire ». Des pathologies « qu’il ne faut pas limiter à la question de l’âge », poursuit-elle.
Un retrait de permis : des conséquences graves pour nos aînés
Au-delà d’être une mesure clairement âgiste, ce projet de loi, s’il est finalement adopté, pourrait avoir d’autres conséquences sur nos aînés : « Si vous lui enlevez sa voiture qui est parfois sa seule solution de mobilité dans des régions rurales, la personne va-t-elle pouvoir rester à son domicile ? », s’interroge la gériatre Sylvie Bonin-Guillaume.
Et sans solution de mobilité dans les milieux ruraux, il est parfois très difficile de faire ses courses, d’acheter ses médicaments ou encore de consulter un médecin… Des besoins pourtant vitaux pour les personnes âgées.
Sans compter la solitude et l’isolement qui peuvent s’imposer petit à petit lorsqu’on ne peut plus se déplacer… « J’angoisse à la maison parce que je ne peux plus sortir. Je ne peux plus rouler en voiture. Avant j’avais ma voiture, je pouvais aller au cimetière, je pouvais descendre faire mes courses. », regrette Fanny, 78 ans, qui habite dans un village de la Creuse.
Pour les Petits Frères des Pauvres, si la demande des victimes peut s’entendre, elle ne doit toutefois pas venir sanctionner toutes les personnes âgées.
Notre Association pense aussi aux 75 ans et plus qui représentent 40 % de la mortalité piétonne (Conseil National de la Sécurité Routière). Pour ces piétons âgés, aucune proposition de loi ou campagne de communication n’a été imaginée afin de sensibiliser les conducteurs à l’adaptation de leur conduite et améliorer la sécurité des aînés qui se déplacent à pied.
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