En dix ans, l’ampleur du vieillissement a incité chercheurs, organismes publics ou privés, urbanistes… à réfléchir sur l’adaptation de certains territoires au vieillissement. Tous sont unanimes sur la nécessité d’adapter les espaces territoriaux aux personnes âgées avec des politiques transversales touchant autant l’aménagement urbain que l’habitat, la mobilité ou la vie sociale.
Dans un rapport consacré à l’isolement dans les territoires (Petits Frères des Pauvres / CSA Research, 2019), notre Association a montré l’importance de différencier les solutions à apporter au regard de la pluralité des contextes territoriaux de l’isolement. Par exemple, alors que les zones rurales sont fortement impactées par le phénomène de désertification ou de raréfaction des services publics, commerces de proximité, transports en commun, professionnels de santé, les citadins regrettent eux un affaissement des relations de solidarité.
Il parait donc plus réaliste d’agir localement pour s’adapter au vieillissement et à l’isolement des personnes âgées pour les prochaines années afin de prévenir l’explosion démographique et l’augmentation de l’isolement.
1- Un aménagement du territoire adapté aux personnes âgées
« Moi j’ai du mal au bout de cinq mètres, il faut que je m’asseye et il manque des bancs. », se plaint, Florence, 62 ans, habitante de Paris.
Des bancs pour s’assoir et se reposer souvent, ça n’a l’air de rien mais ça peut changer le quotidien d’une personne âgée ! En effet, un aménagement adapté de l’espace public adapté (bancs, trottoirs, passages protégés…) va permettre aux personnes âgées de pouvoir sortir dans leur périmètre de déplacement et de mieux se réapproprier leur territoire de proximité. Ainsi, elles pourront continuer à sortir faire leurs courses et leurs achats du quotidien en toute autonomie !
2- Des solutions de mobilité proposées aux personnes âgées
Parce que 41 % des 85 ans et plus n’ont pas de véhicule ou ne l’utilisent jamais (rapport des Petits Frères des Pauvres 2019 / CSA Research), il est essentiel de permettre aux personnes âgées de se rendre dans les zones où se trouvent encore les commerces et les services indispensables à leur maintien à domicile.
« Il y a une chose essentielle, c’est qu’on puisse aller faire les courses. Avant j’avais ma voiture, je pouvais aller au cimetière, je pouvais descendre faire mes courses. », regrette Fanny, 78 ans, qui réside dans un village de la Creuse.
Pour notre Association, il parait donc important de rendre les transports les plus accessibles possibles, notamment pour les personnes à mobilité plus réduite. Nous recommandons aussi de mettre en place des partenariats publics/associatifs afin de faciliter les sorties de ceux qui ont du mal ou peur de sortir seuls, en s’appuyant sur l’engagement citoyen.
Dans la même lignée, et c’est une demande forte des personnes âgées, nous préconisons le développement des services de transport à la demande, avec un appui d’une part des communes (ou regroupements de communes) pour assurer les moyens de transport et le système de réservation et, d’autre part, l’implication des citoyens en proximité territoriale qui pourraient s’engager comme bénévoles chauffeurs et recréer du lien social pendant les trajets.
3- Privilégier des solutions d’habitat alternatif intégrées dans la cité
Les personnes âgées « cloitrées » dans des Ehpad dans des quartiers périphériques ? Jusqu’il y a peu, c’était encore le schéma favori des politiques locales… Or pour les Petits Frères des Pauvres, qui sont promoteurs de solutions alternatives d’habitat pour les personnes âgées depuis de nombreuses années, ces hébergements doivent être intégrés dans la cité et à taille humaine.
« Arrêtons de construire des solutions de logement ou d’hébergement des personnes âgées en dehors de la ville et des structures trop importantes. (…) Nous devons favoriser le maintien à domicile et proposer des solutions d’habitat dans la cité en construisant des projets intégrés à la ville. », résume François-Xavier Turbet Delof, directeur adjoint des établissements Petits Frères des Pauvres.
4- Encourager l’engagement citoyen et les solidarités de proximité
Alors que le sentiment d’isolement se fait particulièrement fort en zone urbaine par une diminution des relations de solidarité avec notamment des relations de voisinage perçues comme insuffisantes (rapport des Petits Frères des Pauvres 2019 / CSA Research), il apparaît important de pouvoir favoriser les solidarités de proximité et les échanges intergénérationnels. Comment ? Par des dispositifs qui impliquent des tiers de confiance (collectivités locales, partenaires associatifs, caisses de retraite…) qui sécurisent et valorisent l’engagement citoyen auprès des aînés isolés.
On pense par exemple à l’initiative Paris en Compagnie, financée par la Ville de Paris, animée par trois acteurs de la solidarité : Autonomie Paris Saint-Jacques, les Petits Frères des Pauvres et Lulu dans ma rue.
Avec le kit chasseur de solitude, proposé gratuitement en téléchargement, notre Association entend aussi sensibiliser les citoyens à la solitude des aînés et met à leur disposition des outils concrets.
5- Développer l’habitat temporaire en milieu rural
Conjuguer le souhait des aînés en milieu rural de rester à leur domicile et les difficultés du maintien à domicile dans des territoires ruraux nécessite des solutions sur mesure…
L’hébergement temporaire en est une et mériterait, pour notre Association, une meilleure visibilité afin de faire mieux connaître cette alternative auprès des acteurs qui agissent auprès des personnes âgées : médecins de ville, hôpitaux, structures d’aide à domicile.
6- Favoriser le maintien des services et commerces de proximité
La raréfaction des médecins, des commerces de proximité ou des services publics en milieu rural mais aussi en milieu urbain touche de plein fouet les personnes âgées qui sont moins mobiles, ne disposent pas ou plus de véhicule pour les plus âgés et souhaitent pour autant continuer à sortir.
Ce qui gêne c’est qu’il n’y a pas beaucoup de commerçants. Avant on avait tout sur l’avenue Jean Jaurès, maintenant il n’y a plus de commerçant. Avant il y avait un traiteur, une laverie, un marchand de journaux, un boucher, tout ça, c’est parti.
Madeleine, 77 ans, Seine-Saint-Denis
De manière générale, il est primordial que les élus des collectivités locales englobent la lutte contre l’isolement dans la construction de leurs politiques territoriales et soient très attentifs aux attentes de nos aînés en matière de maintien des services et commerces de proximité.
C’est pourquoi les Petits Frères des Pauvres préconisent ainsi de continuer à développer les maisons de santé pour permettre un accès de proximité aux professionnels de santé indispensables aux personnes âgées (généralistes, infirmières, kinésithérapeutes). Nous incitons également les collectivités territoriales à préserver des services indispensables au quotidien des aînés comme les services bancaires.
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