Avant d’être bénévole chez les Petits Frères des Pauvres la maladie me faisait peur, je la fuyais. Je ne pouvais pas rendre visite à un ami atteint d’un cancer sans éprouver comme un sentiment de culpabilité qui m’empêchait d’aller vers lui.
Devenue bénévole auprès de personnes âgées, j’ai accompagné monsieur P. à domicile pendant deux ans. Monsieur P. n’a jamais évoqué sa maladie. Après son hospitalisation, il est allé dans un service de suite. Je l’ai accompagné « jusqu’au bout » sans penser qu’il allait mourir, puisque je l’ai vu quelques jours avant son décès. Dans l’après coup, j’ai pris conscience que je l’avais accompagné en tant que personne. Des liens s’étaient créés et même s’il ne pouvait plus parler, j’étais là pour lui, au-delà de sa maladie.
Cette peur de la maladie vaincue en moi, j’ai décidé de devenir bénévole auprès de personnes gravement malades ou en fin de vie dans l’équipe des Petits Frères des pauvres de Clichy. C’est après un parcours d’intégration et de formation que j’ai commencé les accompagnements à l’hôpital Jules Gouin.
J’ai pris conscience que je l’avais accompagné en tant que personne. J’étais là pour lui, au-delà de sa maladie.
Etre présente pour les malades
Ces accompagnements sont pour moi un triple art du présent :
L’art d’être présent (à l’autre), un temps de préparation pour aller à l’hôpital, à leur rencontre, qui commence le dimanche soir lorsque j’enlève mes bagues*. Et le lundi matin je ne prévois rien de particulier pour être disponible et non parasitée par le quotidien.
L’art d’être au présent (ici et maintenant). Une fois la porte de l’hôpital franchie j’ai tout laissé dehors. Je vois les soignants, échange avec eux… Se couper du reste du monde. Créer une parenthèse qui donne toute sa valeur à la rencontre.
Mais aussi, l’art du présent (au sens du cadeau, du don de soi). Chaque rencontre est imprévisible. L’écoute, la bienveillance font de cette rencontre une rencontre de cœur à cœur. J’ai appris : à approcher la maladie et la souffrance morale et physique ; à accepter le regard de celui qui a perdu l’espoir, sa tristesse, ses larmes, sa révolte mais aussi à accepter mon impuissance, chaque fois que je ne comprends pas ce que la personne veut me dire ; l’importance de la communication non verbale : regard, toucher…
Ce sont des gens vivants que je rencontre. Ils sont vivants, plein de souvenirs, parfois même de projets – des personnes avant d’être des malades avec des histoires de vies… Qui sont ces malades…? Qui ont-ils été…? Chacun a son histoire, son chemin parcouru… Je ne vais le guérir de rien… mais je suis là.
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* Pour des raisons d’hygiène à l’hôpital