Peux-tu décrire le cheminement qui t’a amenée à faire du bénévolat ?Dans mon parcours processionnel, j’ai été amenée à travailler comme animatrice, il y a environ 3 ans, dans une maison de retraite. Je suis psychologue clinicienne de formation mais en prenant ce poste d’animatrice, je voulais m’inscrire dans une dynamique, et m’investir auprès de personnes âgées. Ce public, c’est celui auquel je destine ma pratique professionnelle en tant que psychologue. Alors le bénévolat auprès de personnes âgées est venu naturellement dans mon cheminement.Comment as-tu été amenée choisir le bénévolat d’accompagnement de personnes malades, ou en fin de vie ?La mort est la fin naturelle de tout être vivant. C’est important de s’inscrire dans cette culture. Je réalise que c’est comme une évidence pour moi de m’investir auprès de personnes âgées en fin de vie.Comment se sont déroulés tes premiers accompagnements ? Les avais-tu imaginés auparavant ? La réalité de ce vécu des 1ers accompagnements correspond-elle à l’idée que tu t’en faisais ?Mes premiers accompagnements ont commencé fin avril. Avec Sylvie (bénévole d’accompagnement expérimentée), je suis allée trois après midis aux Urgences de l’hôpital Saint Louis.Est-ce que je les avais imaginés, pressentis ? Oui, grâce à la session de sensibilisation de nouveaux bénévoles à laquelle j’ai participé, j’ai pu réfléchir auparavant à ce qu’était l’accompagnement. J’avais retenu que l’attitude la plus juste à adopter était de ne pas être intrusif, d’être là, présent, sans être « psy », sans poser trop de questions. Oui et c’est ça l’accompagnement, être au plus près du patient, dans une proximité et à son écoute. Grâce à l’approche du rôle du bénévole en institution, je savais quelle devait être ma position. Ni trop distante, ni trop intrusive, ni trop questionnante.Au début, j’observais Sylvie, je regardais comment elle faisait pour approcher les patients et entrer en lien avec eux. Et elle m’a dit, dès que tu te sentiras prête, tu vas vers un patient, tu te lances. C’était aux urgences, dans le couloir. Et mon premier contact a été très simple. J’ai approché une patiente qui attendait sur un brancard. Je me suis présentée, bénévole petits frères aux urgences, et si elle voulait que je passe un moment avec elle. Elle a accepté. Très naturellement, la relation s’est instaurée. On a été d’emblée réciproquement en confiance dès ces premiers échanges. Ce premier contact, fluide, m’a confortée dans mon positionnement de bénévole.As-tu pu tirer des enseignements de ces 1ers accompagnements ? Lesquels ? Ont-ils modifié ton approche des accompagnements ?Si j’ai pu tirer un premier enseignement ? Oui, c’est par rapport à une erreur que j’ai commise. Il faut faire attention aux mots qu’on emploie. Exemple : après un échange avec un patient je lui ai dit bon retour chez vous. Et il m’a répondu je n’ai pas de chez moi.Voilà, il ne faut pas projeter, et être juste là dans une présence. La façon de se présenter est très importante car elle va instaurer ou pas une relation de confiance. Mais jusqu’au bout, jusqu’au moment de prendre congé, il faut être aussi au plus juste. Comment ressens-tu le partenariat avec le corps médical ? As-tu des éléments positifs à souligner ou as-tu des souhaits d’amélioration de ces relations ?Je ne parlerais pas de partenariat. Nous sommes aux Urgences. C’est un Service spécifique, très particulier. Les patients sont dans l’attente de résultat, d’un diagnostic, Ils sont anxieux et très demandeurs d’information dès qu’ils voient passer une blouse. C’est différent de la situation d’une hospitalisation où on est installé dans une chambre. On n’a pas la réponse à leurs demandes, à quelle heure ils auront le diagnostic, à quelle heure vient l’ambulance. Ils sont demandeurs pour qu’on soit médiateurs pour aller chercher les réponses auprès de l’équipe infirmière. Ils nous répètent 3 fois la question : A quelle heure vient l’ambulance ? Je crois qu’on m’a oublié. On se trouve obligés. Ca m’est arrivé d’aller demander à quelle heure arrive l’ambulance. Elle était censée arriver à midi et il était 17 heures… J’ai demandé à l’infirmière : ils sont sur la route ? Elle détenait l’info depuis une heure mais aucune information n’avait été transmise au patient. C’est dommage alors qu’il aurait suffi de quelques mots.J’ai eu une autre occasion de faire appel au personnel soignant. L’autre jour j’étais dans un box avec un monsieur à qui on avait posé une sonde urinaire. Il s’agitait. Il voulait enlever sa sonde tout seul, se lever et aller aux toilettes. Je suis allée voir l’infirmière pour lui expliquer la situation. Quand nous sommes revenues, il y avait plein d’urine et de sang qui s’étaient renversés par terre car la poche était pleine. Notre rôle d’accompagnant ne nécessite pas de connaître le dossier médical du patient, mais je constate que nous sommes amenés à alerter le personnel soignant quand une situation comme celle-là, qui nécessite leur intervention, se présente.Nous gagnerions aussi à mieux être connus du personnel soignant. Je pense à l’anecdote de cette personne âgée qui attendait sur un brancard. Elle a mis sa main dans la mienne en me disant regardez comme j’ai froid. A ce moment, une infirmière est passée et m’a dit « Qu’est-ce que vous faites là, vous êtes qui ? ». C’était une interpellation énergique, et j’ai eu le sentiment d’avoir transgressé je ne sais quel interdit, d’être en faute. Elle s’est radoucie quand je lui ai dit que j’étais bénévole. Du coup, elle m’a demandé en aparté de tenter de savoir l’identité de cette personne, si elle avait de la famille, car ses propos étaient un peu incohérents et ne permettaient pas de situer la personne dans son identité et dans son histoire.Quand j’arrive, je passe dans le couloir et je dis bonjour au personnel que je croise. Quand je passe devant le bureau des infirmières. si la porte est ouverte, je salue tout le monde. Mais si elle est fermée, je ne vais pas taper à la porte. Je consulte le petit panneau dans une salle. Ca me permet de prendre connaissance des transmissions laissées par la bénévole petits frères de lundi. A la fin de mes visites, j’y inscris mes transmissions pour la bénévole qui me suit le jour suivant. Il y a aussi un grand tableau blanc rempli par les infirmières, avec l’identification des patients qui sont dans les boxes. Si une infirmière est disponible au moment où j’arrive, je lui demande vers quel patient aller, car elle peut avoir repéré ceux qui ont le plus besoin d’être accompagnés. S’il n’y a personne, je vais quand même vers des patients.As-tu été amené(e) à croiser, au chevet des personnes que tu accompagnes, la famille de ces dernières ? Si oui, ton bénévolat d’accompagnement te semble-t-il pouvoir s’étendre aux proches des personnes malades ou en fin de vie ? Et comment, sous quelle forme ?Non car on va plutôt à la rencontre des personnes qui sont seules. Quand je sens une angoisse, je leur demande est ce que quelqu’un est au courant de votre présence ici, et va venir vous voir. Ne pas parler de famille, car s’ils n’en ont pas on les renvoie à leur solitude. Non, jusqu’à présent je n’ai eu aucun rapport avec des proches ou de la famille des patients.Te sens-tu suffisamment « accompagné(e) » par la Fraternité accompagnement des personnes malades ? La formation te paraît-elle suffisante ? Les occasions d’échanges (transmissions, groupes de paroles) te paraissent-elles correspondre à tes besoins ?Oui, je me sens tout à fait bien accompagnée.Pour les transmissions, on sent une cohésion. On sent que les « référents », salariés ou bénévoles, qui répondent à nos appels téléphoniques après nos visites pour recueillir notre ressenti de nos visites ont fait une formation pour ça.J’ai apprécié aussi le « moment de mémoire » que nous avons partagé (une fois par an, réunion des bénévoles et salariés de la Fraternité Accompagnement des Personnes Malades) en mémoire des personnes qui ont été accompagnées par les petits frères et qui sont décédées dans l’année). C’est important de partager des moments comme ça. Ca donne encore plus de sens au temps qu’on passe avec les patients isolés.Pour ce qui est des groupes de paroles, ils sont très précieux pour confronter les vécus, savoir où en sont les autres bénévoles dans leurs accompagnements. C’est important de pouvoir communiquer autour des pratiques qui nous réunissent.Et enfin, si tu devais exprimer en quelques mots ou en une phrase, ce que sont tes accompagnements, tels que tu les pratiques ou tels que tu souhaites les pratiquer, tu dirais quoi ?En une phrase, j’aurais du mal ! Je soulignerais la notion de temps. Le temps est comme suspendu quand on est avec le patient. Une fois que la communication est installée, on est comme dans une bulle. On ne sait pas combien de temps on va rester avec cette personne, si ça va durer une minute ou deux heures. Oui, c’est ça on est dans une bulle hors du temps, sans savoir présumer de ce que va être cette communication et cet échange. On est dans une forme de réalité où l’écoute est primordiale. Les échanges aussi, c’est le regard, les sourires. On perçoit qu’ils sont contents qu’on soit là. Des choses se passent, un vrai échange où on est au plus près de la personne. Ca se déroule pas trop vite, on ne se pose pas de questions pour trouver le juste ton, ça se déroule naturellement. C’est ça, on est dans l’instant présent. L’accompagnement c’est deux personnes qui se rencontrent dans un moment précis.Communication Fraternité Accompagnement des Personnes MaladesPropos recueillis par Maryvonne Sendra
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