La faute à cette audace discrète qui bouscule en douceur, à son sourire-signature, à «mon petit côté masculin» s’amuse-t-elle. Un franc parler sans détours, comme celui des hommes dont elle apprécie l’organisation et l’efficience. Quand Denise a quelque chose à dire, c’est sans circonlocutions inutiles.Une vie très activeQuand on lui demande les raisons de son bénévolat, elle raconte l’enfance à Asnières, la passion pour l’art dramatique, les parents qui poussent vers un «vrai métier», la Seconde Guerre mondiale qui balaie tout. Un premier boulot de sténodactylo et un mariage en 1950 avec un officier de marine marchande brestois. Quatre enfants plus tard, elle travaille de nouveau en 1968 comme assistante de direction dans la grande distribution. Prend sa retraite en 1991. Lorsqu’elle avoue «une vie très active» on croit sans peine cette femme vive, à l’à-propos affûté. En sus de ses goûts pour le théâtre, la musique, le cinéma, les voyages, la gymnastique et le jardinage pratiqué chez elle dans les Hauts-de-Seine, c’est une carte postale dans sa boîte aux lettres qui amorce son bénévolat : «Prière de me déranger» y proclame une dame âgée. Elle contacte Paris Ouest, démarre un accompagnement de vacances en Champagne en 1998 et cumule moult séjours jusqu’en 2009 : « C’était devenu trop fatiguant ». Denise opte pour une action « à la demande » : micro séjours, accompagnement de personnes âgées chez le dentiste ou le kiné, gestion du dossier administratif d’un hospitalisé jusqu’à l’installation dans sa chambre.Je n’ai jamais craint le manque d’idéesDenise a plus d’une corde à son arc ! Lucien, décorateur professionnel, bénévole à ses heures flaire sa fibre artistique. Lors de festivités, elle concrétise sa fantaisie en imaginant chaque année de nouvelles créations : décor mosaïque d’une surface plastifiée agrémenté d’autocollants, sapins, bonhommes de neige rigolards, traîneaux tirés par des rennes aux yeux de biche ornent les vitres de l’espace repas à Noël. Bâti sur un cadre, un hameau de maisonnettes cartonnées ensevelies sous une neige de coton se blottit autour d’une église croquignolette. Un mobile de boules suspendues orne le plafond tandis qu’une couronne de l’avent ornée d’un nœud de gaze garnit l’entrée des cuisines. Avec les beaux jours, les carreaux de la salle à manger façon vitraux revêtent un air printanier : papillons, coccinelles, oiseaux virevoltent. «Ça développe mon imaginaire, je n’ai jamais craint le manque d’idées, j’en ai toujours» affirme Denise avec l’humour qui la caractérise. Et comme elle ignore le mot inaction, elle consacre ses rares moments de repos à tricoter des pulls pour des enfants déshérités avec des restes de laine que lui donnent voisins et amis.Une efficacité qui fait moucheRendez-vous au restaurant des petits frères rue Chanoinesse, derrière Notre-Dame. Les invités se pressent au repas orchestré par Anne-Marie Le Péchon, responsable des lieux. Huit jours plus tôt munie d’une liste fournie par les services de l’intéressée, Denise contacte les vieux amis qui n’ont pas renvoyé le coupon-réponse de l’invitation à déjeuner. Stylo d’une main, récepteur téléphonique de l’autre, elle pointe participants et bénévoles accompagnateurs, convainc les hésitants, lance «Prenez soin de vous» et envoie le document par fax pour coordination. Sur place son efficacité fait mouche : installer en priorité les fauteuils roulants pour ne pas entraver le service, «en fond de salle et sur les côtés», requinquer une timide, aider une non-voyante. A l’accueil le mur de verdure invite trente invités et bénévoles à partager, kir, salade fraîcheur, sole et bavaroise aux framboises. A table Denise assure le service. « Il existe deux sortes de personnes âgées, celles qui ressassent leurs tristes souvenirs et celles qui continuent à faire des projets, profitant de la vie. Et deux sortes de bénévoles, ceux qui consolent en douceur et ceux qui insufflent leur énergie pour optimiser le présent» explique-t-elle. Aujourd’hui Arunda la chanteuse, égrène La Cucaracha et Besame Mucho à la guitare. Une heure plus tard, la salle déserte, Denise confesse son plaisir de conter des histoires en séjours, avant de retrouver sa liberté.« J’ai l’immense avantage d’avoir l’âge des invités que je côtoie à Chanoinesse, de partager les mêmes souvenirs. J’ai discuté avec intérêt d’Eric Von Stroheim, Pierre Fresnay et d’Harry Baur avec un amateur de vieux films. Je ne m’apitoie pas, j’essaie de communiquer la force du coup de pied frappé au fond de la piscine qui les aide à remonter. Aider ne s’apprend pas, le bénévolat c’est un volontariat, on l’a ou on ne l’a pas. J’ai la chance d’être née avec une énergie que beaucoup n’ont pas. Je ne souhaite qu’une chose c’est la conserver » s’exclame cette femme pétillante d’intelligence et de joie de vivre qui fêtera ses… 81 ans en août prochain. Chapeau bas.Catherine Bretécher.
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