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Seize ans de fidélité au service des plus démunis. Et un enthousiasme qui ne s’est jamais démenti.

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Irène Vittori s'est posée il y a dix jours quelques heures pour évoquer son bénévolat. Aujourd'hui, à l'heure du thé, tout sourire, elle intervient à la Commission signalements, animée par Caroline, coordinatrice de développement social chargée du soutien des bénévoles qui évaluent les situations des personnes signalées pour un accompagnement.

Comment Irène, bénévole contribue au mieux-être d’Eugène Irène la soixantaine rayonnante, raconte l’amélioration de la situation d’Eugène*. «Un aide-soignant fait sa toilette deux fois par semaine. Il ne se lavait pas.» On constate d’emblée le timbre de voix, l’attitude affable, qui traduisent la générosité : «Je l’ai visité samedi et ce matin. Il était désemparé à la fenêtre du rez-de-chaussée de son studio «attendant à manger !». Elle mentionne ses «absences» : «J’ai jeté de la viande qui moisissait dans le frigo, pris vingt euros, fait les courses, acheté du frais : betteraves, fraises, confectionné une salade d’avocats-betteraves et pamplemousses : il s’est jeté dessus. J’ai remplacé les ampoules défectueuses.» En prime une piqûre de rappel : «Il se levait à 12 h, complètement déphasé.» Caroline confirme : «Son neveu insiste pour être prévenu en cas de problème.» A 87 ans, Eugène se nourrit mal, doit consommer des fruits et légumes. Irène cite une société de livraison de repas à domicile «qui lui permettrait de se nourrir sans avoir à cuisiner, un excellent moyen de contribuer à sa bonne santé en simplifiant son quotidien.» Caroline et Irène alerteront le neveu. Dossier à suivre.Irène prenant part à la commission SignalementAntonia*, 80 ans, signalée par la Mairie du 17e, l’a bien reçue ajoute Irène, le 11 avril dernier. Elle est restée 25 mn, a expliqué le rôle des petits frères. En partance pour le Chili, elle ne souhaite pas de visite, en contradiction avec l’assistante sociale qui l’a trouvée en larmes, déprimée en 2010. Elle semble attendue en Amérique du Sud par sa famille mais le rapatriement est complexe. Dossier classé sans suite, faute de suivi. Irène remet le signalement à Caroline, conserve une copie. La commission débat chaque mois des dossiers préparés par des évaluateurs bénévoles, permet la confrontation des points de vue qui favorise la décision d’accompagnement selon des critères précis : avoir plus de 50 ans, bénéficier de faibles ressources et souffrir d’isolement. Chaque cas fait l’objet d’une décision unanime. A l’issue de la réunion, Caroline répartit cinq nouveaux signalements entre les évaluateurs.Un fort engagement bénévole déjà depuis plus de 16 ans Equilibrée. J’ai beau chercher, c’est l’adjectif qui lui convient le mieux. Pour sa sérénité d’abord. Pour son physique ensuite : une blonde dans un ensemble sable, gestuelle maîtrisée, silhouette charpentée de Savoyarde pur jus. Et toujours un sourire pour ponctuer ses souvenirs. Sa motivation bénévole ? Peut-être la solidarité des rudes hameaux montagnards. Plus sûrement le partage qui sied aux familles nombreuses lorsqu’on perd ses parents à l’adolescence. Irène épouse à 24 ans le créateur d’un laboratoire de prothèses dentaires dont elle assure la gestion et le management. A 47 ans, la prospérité de l’entreprise autorise l’embauche d’une salariée. «Le tournant de ma vie !» En 1994, une affiche dans le métro concrétise l’intérêt pour le troisième âge. Elle accompagnera des personnes âgées à domicile pendant douze ans. Eté 1995 : coresponsable d’un séjour de vacances à Bormes-les-Mimosas, micros séjours et accompagnement d’une veuve sept ans d’affilée. «Gilberte vivait à l’hôtel, ne sortait plus, avait perdu son fils.» Son humeur ombrageuse alternait au fil des visites avec sa bienveillance. «Elle adorait la cuisine, la faire, en parler» et déjeuner à Chanoinesse en hiver. Face aux quais de Seine, Gilberte souffla : «J’avais oublié que c’était si beau !» Irène est ravie d’avoir permis l’ultime vision parisienne de Gilberte disparue en 2000. Serge veuf à 74 ans, souffrait de dépression grave et d’addiction à l’alcool. «Avec trois amies bénévoles, on a créé un lien fort pendant six ans. Il avait le goût de la campagne. On l’emmenait faire des cueillettes en bord de Seine où on pique-niquait. C’était un homme attachant, dit-elle, sortant sa photo de son portefeuille, que l’on a accompagné jusqu’au bout il y a deux ans.» Lorsque son mari prend sa retraite, Irène aspire à l’allègement. J’ai beaucoup donné . Elle entame en 2008 un nouvel épisode avec la Commission signalements. Ceux-ci arrivent à l’accueil : une personne se manifeste, est signalée par les services sociaux ou par la famille qui vit en province. Le support ? «La fiche signalement» qui favorise l’accès au domicile. Se déplacer est essentiel pour visualiser le cadre de vie. A ce stade, on ne doit pas commettre d’erreur d’appréciation : évaluer l’état de santé, compléter les ressources annuelles, analyser l’accessibilité, apprécier le lien familial, le voisinage. Avec délicatesse. Et mentionner tutelle, médecin traitant, confort sanitaire. Collecter les souhaits : visites, sorties, vacances. Sur place c’est l’émotion. En réunion d’équipe, on partage le ressenti avec les autres, on échange.» On perçoit qu’Irène ne laisse pas une part d’elle-même dans chaque dossier et se protège. Elle dit s’être trouvée dans ces actions qui lui apportent un recul sur sa vie. «Les évaluations des situations des personnes ont élargi mon paysage quotidien. Gilberte, Serge, font partie de mon histoire. Ils vivent en moi à leur manière : quand je prépare ma blanquette, je pense à Gilberte, quand je cueille des légumes, Serge est là. C’est ma façon de les faire exister. J’ai la chance de les avoir rencontrés» dit-elle, le regard franc. Catherine Bretécher * Son prénom a été changé.

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Audrey Achekian
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