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Je retrouve comme convenu Nicole à 9h précise devant l’hôpital Lariboisière. Je la découvre : 52 ans, plutôt petite, démarche timide sous un regard et un joli sourire communicants. Après nos premiers échanges téléphoniques, je m’attendais à voir quelqu’un de dépressif. « Je me suis promis de ne pas pleurer » me lance-t-elle dans ses premières phrases. Nous prenons un café. Elle me raconte sa vie remplie de sport, de mouvement, de dynamisme. Puis l’arrivée d’une maladie grave qui atrophie progressivement ses muscles, les douleurs dorsales permanentes, la faiblesse respiratoire. Puis les conséquences, l’arrêt de travail, la fin de sa pratique sportive, le pénible parcours dans les hôpitaux parisiens, les multiples examens, les hésitations des spécialistes, la progression de la dépendance, la déprime. Elle vit depuis 2 ans murée dans son petit appartement du 9.3. avec des traitements qui l’épuisent et l’incompréhension de son fils par qui elle se sent délaissée. Jusqu’au jour de cette consultation avec le professeur L. du service de rhumatologie qu’elle voyait depuis plusieurs mois. Après examen, il lui lance, sans précaution : « Quand je vous vois, ça me déprime ». Petite phrase de trop qui fait déborder le vase d’une vie tenue à bout de bras. Petite phrase qui la poursuivra jour et nuit pendant plusieurs semaines avant qu’elle ne laisse exprimer sa colère notamment dans une plainte écrite adressée au professeur et à l’hôpital. 9h30, nous nous installons dans la petite pièce prévue pour la cellule de médiation. Nous sommes 4 : Nicole, le professeur L., un représentant de la direction de l’hôpital et moi-même en qualité de représentant des usagers. L’ambiance est tendue. Je dévisage le professeur mal à l’aise qui me fait pourtant l’image d’un père de famille posé, derrière sa blouse et son badge. Après une relecture médicale des faits et de la situation, Nicole est invitée à exprimer ses ressentis, cherchant dans mes regards le soutien nécessaire. Elle parle de la phrase prononcée, du manque de considération, de la souffrance accumulée, du sentiment d’abandon. Il n’avait visiblement pas soupçonné la portée de cette parole malheureuse, sûrement dite au second degré. Il ne s’en souvenait d’ailleurs même pas. Il reprend d’une voix douce, balbutie et relève la tête. Ils se regardent enfin. Il lui dit qu’il regrette. Elle l’écoute et le fixe tout en attrapant dans son sac un mouchoir devenu nécessaire. Avant de nous séparer, il est proposé à Nicole ou de revoir le professeur ou de s’adresser à l’un de ses confrères. C’est à elle de choisir, elle devra rappeler l’hôpital. Elle fit le choix quelques jours plus tard d’aller revoir le professeur L. et de renouer le dialogue.Aux dernières nouvelles, Nicole n’est pas guérie. Elle va juste un peu mieux par cette considération retrouvée, et elle se soigne. Quant à moi, je n’ai pas fait grand-chose. J’ai juste été là, quelques centimètres derrière elle, pour qu’elle trouve le courage. J’ai juste été là pour l’écouter, lui redonner confiance en l’autre. Ma présence a contribué à rappeler à cet autre son influence possible et sa responsabilité dans les rapports de force entre soignant et soigné. Vous le voyez, dans ces moments-là, être représentant des usagers, c’est également accompagner.Etienne Hervieux, Directeur de la Fraternité Accompagnement des personnes malades

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