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Éveilleuse de mémoire à Toulouse

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Si c'était un animal, ce serait un papillon ! Un morceau de musique ? Une suite pour violoncelle de Bach, grave et légère, une tension parfois ténue, parfois déchirante, avec la joie étale qui coule sous-jacente.Discrète, patiente et réservée, Denise G., 55 ans, ne tire aucune gloire de l'accompagnement spécifique qu'elle mène depuis trois ans auprès d'une personne lourdement handicapée. Bénévole à Toulouse, Denise accompagne Juliette, 85 ans.

Toutes les semaines, elle passe un après-midi au centre Marcel-Riser où, depuis une dizaine d’années, une équipe de bénévoles des petits frères des Pauvres, intervient régulièrement. «Je me souviens parfaitement de cette première visite à Marcel-Riser, évoque la bénévole. J’ai suivi Jeanne [une bénévole aguerrie] qui vient faire des visites au centre et j’ai vu les résidants installés dans une grande salle très claire avec la télé…».Ça lui arrive de me dire : “Qu’est-ce que je ferais si vous n’étiez pas là !”. Ça me fait un peu peur. Alors, je lui prends la main, je fais un geste pour la rassurer… Le contact physique est important avec les personnes qui sont un peu perturbées. Cet établissement de long séjour héberge quarante-sept personnes atteintes de divers troubles neurologiques. Un grand nombre d’entre elles n’ont plus de mémoire immédiate et communiquent difficilement, mais une relation est possible, basée sur le ressenti. «C’était assez impressionnant, s’émeut Denise, évoquant ce «baptême du feu». Certaines personnes parlent, d’autres pas. Mais avec un sourire, une parole, on engage la conversation et on oublie vite qu’elles sont handicapées…». Denise commence à accompagner Juliette qui souffre de troubles cognitifs depuis quinze ans en janvier 2004. Sans famille, sans réseau relationnel, elle ne reçoit aucune visite. C’est une personne repliée sur elle-même, «plutôt méfiante», qui vit chaque tentative pour l’approcher comme une intrusion. Il faudra patiemment gagner sa confiance. Comment entrer en contact avec elle? D’abord, installer un rituel quasi immuable : Denise va déposer son sac à côté de Juliette et commence sa visite en saluant chacune des personnes présentes dans la salle, puis vient s’asseoir auprès d’elle. «Il a bien fallu six mois pour que Juliette se rappelle mon prénom et qu’elle me reconnaisse», raconte Denise. «Au début, elle attendait que j’arrive auprès d’elle pour me dire bonjour. Aujourd’hui, dès qu’elle entend ma voix, elle m’appelle de loin, et tout de suite c’est la joie!». C’est ainsi que Juliette, comme la rose du Petit Prince, comprend peu à peu qu’elle est unique pour quelqu’un et, au fil des semaines, manifeste son plaisir d’être «vue»et reconnue. Denise, elle, observe : comment entrer en relation avec Juliette et retenir son attention? La bénévole a alors l’idée d’apporter à chaque visite un album illustré : «J’ai commencé par des paysages de tous les pays». Un mois s’écoule avant que Juliette manifeste un peu d’intérêt pour ces images du monde. Pendant ces premiers temps d’apprivoisement, la patience, la créativité de Denise font merveille. Les images servent de déclencheur pour ouvrir la mémoire réfractaire. Une image amène une confidence et par bribes Juliette confie à Denise des lambeaux de vie qui resurgissent au détour d’une page. «Un jour, j’avais apporté un livre de [Robert] Doisneau avec des photos d’enfants; elle m’a parlé de son enfance, de son frère, de sa sœur, sa mémoire se libérait, les souvenirs s’enchaînaient. Elle était contente de les évoquer…». Le rituel du goûter Denise, avec beaucoup de tact, sollicite parfois Juliette, pose une question, prend le temps de la laisser «cheminer à l’intérieur d’elle-même», ne se décourage pas si elle n’obtient pas de réponse. «Je crains que les neuf ans passés sans parler lui aient fait tout oublier. Ce n’est pas qu’elle refuse de parler : elle ne se souvient pas…». Juliette marche difficilement, mais elle apprécie néanmoins chaque sortie, comme ce pique-nique estival, l’été 2006, au Jardin des Martels, à Giroussens, près de Lavaur dans le Tarn. «Je crois que ça leur a plu, estime Denise, mais lorsque Juliette est dans un endroit qu’elle ne connaît pas, il ne faut pas la quitter sinon elle est perdue et elle s’effraie.».Lorsqu’elle raconte le rituel du goûter, où ces dames font salon avec les fruits de saison, les moments tout aussi précieux où elles ne parlent pas, et restent là, «ensemble», «et c’est bien», Denise suggère à mots choisis la manière dont elle a su construire leur relation à base de «petits riens». Des petits riens qui sont tout, si essentiels pour Juliette. Elle évoque avec justesse le temps passé à tisser des liens, les moments où elle-même parle de sa famille, montre à Juliette des photos de ses trois enfants, d’Aurélie, la première petite-fille, née en mai 2006. Et c’est ainsi que de fil en aiguille, avec une patience de limier qui explore le moindre indice permettant de lui faire plaisir, Denise parvient à offrir à Juliette un cadeau d’anniversaire royal : une journée à la campagne, à Ségoufielle dans le Gers à la frontière de la Haute-Garonne. Le 16 octobre 2004, Juliette fête ses 83 ans dans la famille de Denise, événement qui, depuis, a été réédité. Elle en parle encore aujourd’hui. Pourtant, Juliette était un peu réticente, par peur de «déranger». Denise est allée la chercher avec son mari et ses deux fils : «Elle a compris qu’elle était acceptée par toute ma famille et ça s’est passé parfaitement.». Une chose est sûre : depuis ce jour, Denise le reconnaît, «le chemin de notre relation a pris un autre tour. La glace était brisée, définitivement. Depuis, elle me raccompagne jusqu’au portail. J’ai ressenti ça comme un vrai cadeau.».Quant à Juliette, si physiquement elle vieillit, elle s’épanouit dans son être. En lui accordant toute son attention, Denise lui a permis tout simplement d’exister.

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Audrey Achekian
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