Le paillasson vous souhaite la « bienvenue » au pied de quelques tournesols immenses. Sur la porte d’entrée, un petit écriteau apostrophe le visiteur : « Si tu es un ami, du fond du coeur, sois le bienvenu. Qui arrive en ami arrive trop tard, part trop tôt ! »Eve a 80 ans; un chignon rétro chic ; une pointe d’accent marseillais ; « du whisky ou du vin cuit » ; le goût des autres. « Je suis une très vieille dame, concède Eve. Mais dans ma tête, j’ai toujours 20 ans. » Elle est L’Éternelle Jeunesse, immortalisée par son père, sculpteur coté qui a fixé dans la pierre la beauté de son corps dénudé lorsqu’elle avait 30 ans. La statue repose dans un coin du salon, où les oeuvres et les souvenirs se dressent comme pour retenir le temps qui passe.Entourée de « voisins admirables »Ce soir, Eve a convié David à venir prendre l’apéro et «croustiller» dans son «patio». Elle a connu cet acteur de 65 ans par l’intermédiaire de Voisin-Age*, un dispositif édité par les petits frères des Pauvres pour « sortir les personnes âgées de leur isolement et leur rendre leur place dans la société » en les mettant en relation avec des personnes habitant leur quartier.Dans la barre HLM du 19e arrondissement de Paris où elle vit depuis vingt-cinq ans, elle a des voisins « admirables » : ceux du 17e qui lui répètent de ne «pas se tracasser» à faire la cuisine et lui préparent des petits repas ; ceux du 10e qui l’ont invitée à dîner pas plus tard que la veille… Elle a aussi Estelle «une merveille de sollicitude et de gentillesse», qui habite le quartier et la «voisine» depuis trois ans. La jeune documentaliste s’occupe de sa paperasse. «Je suis une femme de terrain», plaide la pétillante retraitée.Il y a un peu plus de deux ans, David, qui venait de s’inscrire sur le réseau, est venu l’aider à suspendre quelques toiles et déplacer de lourdes statues. «Un vrai coup de coeur», résume l’intermittent du spectacle, qui s’est «pris de passion pour cette femme fantasque et impressionnante».Elle ne veut pas être « un poids »Eve a eu «une vie passionnante» : mannequin, danseuse, responsable des relations publiques pour la maison Ricard. Mariée et divorcée à deux reprises, elle a un fils, qui vit aujourd’hui sur une péniche en banlieue parisienne avec sa femme et leur fille de 11ans. « Je les vois trois fois par an, soupire Eve. Monfils dit que je suis un roc et que je ne veux pas qu’on m’aide. » Elle ne veut simplement pas être «un poids».Il lui tarde de reprendre avec le volant une certaine liberté. L’an dernier, elle s’est fracturé le péroné et la malléole en maison de rééducation après une opération de la hanche. En juin dernier, elle esttombée dans son appartement en duplex : vertèbre fracturée, côtes fêlées. «Nous sommes de mauvaises herbes qui repoussent toujours», lancent Eve et David dans un sourire complice. Lui a déclaré un lymphome en mai 2012. Eve a été alors à son côté : elle l’appelait après chacune de ses chimiothérapies, est venue jusque dans le 11e pour lui rendre visite. «L’amitié, c’est comme un jardin, conclut Eve, qui a la main verte. Cela se cultive.»Christel de Taddeo – Le Journal du Dimanche – 18 août 2013*www.voisin-age.
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