Être auprès des personnes âgées souffrant d’isolement et les accompagner fraternellement, telle est la ligne de conduite des Petits frères des pauvres depuis 1946. À Saint-Brieuc, l’association a ouvert ses portes en 1999. Aujourd’hui, une cinquantaine de bénévoles accompagne près de 70 personnes.Cela fait à peine un an que Nelly Nagard et Yvonig Le Vaillant ont rejoint l’association. À voir leur visage rayonnant lorsqu’elles évoquent leur action auprès des personnes âgées, on se demande qui apporte le plus à l’autre. Assises à l’une des tables de leur local de la rue du Colombier, elles entourent avec des gestes tendres Jeannette Boissel, qui fêtera bientôt ses 98 ans.“Nous avons une commission qui permet de ‘recruter’ les personnes que nous accompagnons, explique Nelly Nagard. Elles nous sont signalées par les assistantes sociales, les aidessoignants des maisons de retraite, les enfants eux-mêmes quand ils sont au loin, les services de tutelle, les mairies…”.Jeannette Boissel, résidente de la maison de retraite Prévallon, fait partie de ses “amours”. “Si vous saviez le bonheur que j’ai à venir ici ! Avant, j’allais à l’Office des retraités briochins, mais ce n’est plus possible, faute de bus. Alors depuis plus de six ans, je viens chaque vendredi. Je trouve dans cette maison une bonté que l’on ne trouve pas ailleurs. Une grande gentillesse, de la chaleur… Je vois à peine, me déplace difficilement, j’ai donc peu d’activités. À Prévallon, les locaux et le personnel sont très bien, mais tout le monde s’ennuie. Les animations manquent cruellement et le personnel change trop souvent pour que l’on puisse nouer des liens. Il n’y a pas de minibus pour faire des sorties. Ici, Nelly vient me chercher en voiture pour participer aux activités du local, chacun s’appelle par son prénom, s’embrasse. On forme une belle équipe et je suis heureuse”.La famille des bénévolesOutre les activités au local, des visites régulières à domicile ou en institution participent à l’accompagnement. “Il y a des personnes qui sont très introverties et vivent dans une solitude affreuse, relève Yvonig Le Vaillant. Or, elles ne disent pas leur solitude, par pudeur. C’est à nous d’aller vers elles et d’essayer de les sortir de leur mal-être”. C’est le cas pour Christiane Ressuge, veuve et sans enfant, orientée vers les petits frères par une assistante sociale de l’hôpital de Saint-Brieuc.Dans son appartement situé au rez-de-chaussée d’un immeuble du quartier de la maison d’arrêt, elle évoque sa solitude avec une grande émotion. “Je suis dans cet appartement depuis février 2009. Dans mon immeuble, je ne sais même pas si on me connaît, si on voit que je suis handicapée. Une fois, je suis tombée chez moi. Je suis restée 37 heures par terre. C’est ma soeur à Paris qui, constatant que je ne répondais pas au téléphone, a prévenu les pompiers. Je vois Yvonig au moins deux fois par semaine. Elle me fait beaucoup de bien mais en dehors de cela, je suis souvent triste. Je n’ose pas l’appeler quand ça ne va pas, même si elle me dit de le faire. Elle est bénévole, elle n’est pas obligée. Et puis elle a sa famille ! On a très peur de déranger et on veut garder sa fierté, c’est pourquoi on ne demande rien. Moi, je ne peux pas sortir seule dans la rue avec mon handicap. Alors si on ne me sort pas, je ne sors pas… À partir d’un certain âge, je crois qu’on est condamné à être isolé. Mais, on ne s’habitue jamais à la solitude. Quand Yvonnig repart, c’est toujours un arrachement”.Chaque phrase est ponctuée par un geste affectueux de la part d’Yvonig. On se prend la main, par les épaules, avec une infinie tendresse et une belle empathie. On le voit, on le sent, la relation n’est pas feinte. C’est probablement ce qui apporte tant de bonheur aux uns et aux autres.Côtes d’Armor n°104 | décembre 2011
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