Le Crédoc vient de publier une enquête sur les bénéficiaires de la Caisse nationale d’assurance vieillesse. Encore autonomes, souvent bien entourés, ils ressentent pourtant pour la plupart un fort sentiment de solitude.
Ma grand-mère a passé les deux dernières années de sa vie en maison médicalisée, avec peu de visites. Je suis convaincue que sa solitude a contribué à l’aggravation de son état de santé. C’est la raison pour laquelle Leïla, 24 ans, décide de s’engager auprès des petits frères des Pauvres. Les personnes âgées qu’elle accompagne alors ne sortent pas et ont peu de compagnie. Sans visites régulières, il n’y a aucun regard extérieur pour observer l’aggravation de l’état de santé, ou pour les pousser à aller chez le médecin, remarque-t-elle.
Et cette solitude est encore aggravée quand les personnes âgées ne disposent que de revenus modestes. Le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc) vient de publier une étude sur les bénéficiaires de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV). Elle révèle que 55% des personnes seules interrogées et 44% des couples vivent en dessous du seuil de pauvreté (1).
La moitié des bénéficiaires de la CNAV s’imposent des restrictions sur leurs loisirs, leurs vacances mais également sur leur alimentation. Pour la bénévole des petits frères des Pauvres, le constat est clair : les personnes âgées ont souvent honte de leur pauvreté, donc ça les incite à la solitude.
Aurélien Marquot, président des petits frères des Pauvres de Bordeaux le confirme : les personnes nous appellent très rarement d’elles-mêmes pour nous signaler qu’elles sont en situation de détresse. Un point de l’étude du Crédoc a particulièrement retenu l’attention du jeune président de l’association bordelaise qui compte 65 bénévoles : elle montre que les personnes en couple peuvent aussi se sentir très seules. Notamment lorsque le conjoint est atteint d’Alzheimer. La souffrance des aidants est un nouveau champ de bataille pour nous.
La difficulté pour les associations est donc d’identifier les personnes les plus vulnérables. Un dispositif a été mis en place suite au Plan canicule : la mairie envoie un questionnaire aux seniors. Mais pour être identifiées, il faut qu’elles le renvoient. Dans ce cas, elles sont priorisées si le Plan canicule se déclenche, explique Madeleine Lucas, responsable du Centre local d’information et de coordination gérontologique (CLIC) Pays de Saintonge Romane depuis 2004. A Saintes, ces mêmes personnes sont suivies par des bénévoles du service d’aide à domicile de la ville.
Paradoxalement, c’est en milieu rural que le problème de la solitude se pose le moins : la solidarité y est peut-être plus importante qu’en ville , remarque Madeleine Lucas. Des voisins, la famille, des professionnels peuvent nous alerter sur l’isolement social d’une personne, mais ce n’est pas toujours évident, regrette-t-elle. Même si ça ne marche à chaque fois, j’essaie de travailler sur les causes du mal-être des personnes vulnérables et sur leurs centres d’intérêts.
La population des 75 ans et plus sera ainsi multipliée par 2,5 entre 2000 et 2040, pour atteindre plus de 10 millions de personnes, selon l’INSEE.
Marie Deshayes | Sud-Ouest | 22 novembre 2011