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Comparatif : où y a-t-il le plus de personnes âgées isolées en Europe ?

L'isolement des personnes âgées : une problématique commune en Europe. © Peter Kano / Idosek Baratai
L'isolement des personnes âgées : une problématique commune en Europe. © Peter Kano / Idosek Baratai

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Quel pays d’Europe compte le plus de personnes âgées isolées ? Où vit-on le mieux ? À l’occasion d’une rencontre européenne avec certains des partenaires associatifs des Petits Frères des Pauvres, notre Association fait le point sur la situation des aînés isolés en Europe. Comparatif.

Se sent-on moins isolé en France ou chez nos voisins belges ? Vaut-il mieux passer sa retraite sous le soleil de Grèce ou sur les jolies terres irlandaises ? Autant de questions que les Petits Frères des Pauvres se sont posées pour préparer la rencontre européenne qui a lieu du 7 au 10 octobre 2021 en France afin de promouvoir l’engagement bénévole pour lutter contre le phénomène d’exclusion des aînés au sein de nos sociétés européennes. 20 participants de 6 pays (Irlande, Grèce, Hongrie, Roumanie, France et Belgique) seront présents pour échanger sur les différentes façons de briser l’isolement, l’organisation en réseau ou encore le développement des équipes de bénévoles. Cette rencontre est rendue possible grâce au soutien de la Mairie de Paris, dans le cadre du label Paris Europe 2021. 

Des millions de personnes âgées isolées en Europe

Il n’est pas toujours facile d’obtenir des chiffres exacts du nombre de personnes âgées isolées dans chaque pays. En France, le phénomène de l’isolement est mieux quantifié depuis 2017 grâce aux rapports des Petits Frères des Pauvres. En effet, devant le manque de données sur ce fléau, notre Association a décidé de mener des études annuelles avec l’Institut CSA Research sur la solitude et l’isolement des personnes âgées de plus de 60 ans. Chez nos voisins européens, les données se font plus rares.

Ainsi, en Hongrie, la seule statistique disponible est celle du recensement de la population de 2011 et de l’enquête logement de 2015 qui montrait que 600 000 personnes de plus de 65 ans vivaient dans des ménages composés d’une seule personne. Heureusement, l’enquête sociale européenne (ESS) qui est menée tous les deux ans donne un éclairage sur le phénomène d’isolement social : elle estime que 60 % des Hongrois de plus de 65 ans n’ont pas de vie sociale du tout, ou moins d’une fois par mois (soit plus d’1 million d’aînés), et que 10 % n’ont pas de famille ou d’amis avec qui ils puissent avoir une relation de confiance. 

La Grèce, qui occupe la deuxième place parmi les pays de l’Union européenne qui comptent le plus grand pourcentage de personnes âgées de plus de 65 ans, soit 22,3 % en 2020, manque également de données précises. D’après l’enquête sociale européenne (ESS), 10 % des adultes grecs se sentiraient seuls fréquemment, contre 7 % en moyenne en Europe. Mais en réalité beaucoup plus seraient en situation d’isolement social : la même enquête indique que plus de 40 % des Grecs ne fréquentent leurs amis ou leur famille qu’une fois par mois ou moins. Or pour beaucoup, en Grèce, la famille est considérée comme le fondement le plus important de la société. 

En Irlande, une étude du Bureau Central des Statistiques de 2016 estimait que sur 80 000 personnes de plus de 75 ans, 36 000 d’entre elles souffraient de solitude et d’isolement, soit 45 % de cette tranche d’âge. Selon une autre étude (The Irish Longitudinal study on aging), presque un tiers des adultes de plus de 50 ans ont souffert de solitude de façon occasionnelle, et 7 % se sentent seuls très souvent. 

En Belgique, l’isolement touche aujourd’hui 23 % des 65 ans et plus, ce qui représente 512 700 aînés isolés. Si la proportion de personnes isolées ne semble pas augmenter, le nombre absolu de personnes touchées suit la courbe du vieillissement démographique, qui est rapide en Belgique : en 10 ans, la population de plus de 65 ans a augmenté de 1 860 000 à 2 229 000 et atteindrait en 2050, selon les estimations démographiques, 3 209 000 individus.

En Roumanie, selon le dernier recensement, sur les 3,7 millions de personnes âgées de plus de 65 ans, une étude menée par la Fondation de la Princesse Margareta en 2015 affirme que la moitié d’entre elles souffre d’isolement social et de solitude. La solitude serait l’un des principaux problèmes des aînés après la pauvreté et les problèmes de santé.

Quant à la France, elle compte désormais 530 000 personnes âgées en situation de mort sociale, contre 300 000 il y a 4 ans, et 2 millions d’aînés isolés (étude Solitude et Isolement des personnes âgées en 2021, Petits Frères des Pauvres / Institut CSA) sur une population de 18 millions de personnes âgées de 60 ans et plus (données INSEE au 1er janvier 2021). En 4 ans, la situation s’est très nettement aggravée. 

Si les comparaisons entre pays restent délicates à faire, une chose est certaine : c’est que l’isolement social des aînés est une problématique commune et qu’il est essentiel de mettre en commun nos études et nos expériences au niveau européen. 

Un isolement aggravé par la crise sanitaire

En Roumanie, une aide d'urgence a été apportée pendant la crise sanitaire par l’association Niciodată Singur pour soutenir les aînés. © Niciodată Singur

Après plus de 15 mois de crise sanitaire, un constat frappe unanimement l’Europe : la pandémie a aggravé la solitude et l’isolement de nos aînés. En France, notre rapport consacré aux effets du confinement (étude CSA Research, juin 2020) montrait que 720 000 personnes âgées n’ont eu aucun contact avec leur famille durant le confinement et que pour 41 % des personnes âgées, il avait eu un impact négatif sur leur santé morale et 31 % sur leur santé physique. 

Les résultats préliminaires de l’étude européenne 2020 « Collaborative Outcomes Study on Health and Functioning during Infection Times » ont montré que les personnes âgées ont présenté un grand niveau de stress. En Grèce par exemple, en ce qui concerne la solitude, la plupart des participants (70 %) ont signalé une augmentation de leur sentiment de solitude pendant la pandémie par rapport à la période pré-pandémique. Les niveaux de colère étaient plus élevés chez les personnes âgées (96 %), par rapport aux adultes d’âge moyen (53 %).

En Irlande, la ligne téléphonique d’une association caritative luttant contre la solitude des personnes âgées, appelée ALONE, a constaté une augmentation du nombre d’appels signalant des émotions négatives, y compris des idées suicidaires durant la pandémie. Et d’après l’étude longitudinale irlandaise sur le vieillissement, 80 % des personnes âgées ont eu du mal à faire face à la pandémie.  

La pandémie de COVID-19 a aussi mis en évidence le fait que les personnes âgées ont des compétences numériques limitées et un accès restreint aux équipements technologiques, ce qui a amplifié leur isolement. Ceci a été particulièrement marqué en Grèce, où 80 % des personnes âgées de 65 à 74 ans n’ont jamais utilisé un ordinateur, alors que ce taux est de 40 % pour les personnes de cette catégorie d’âge dans l’Union Européenne. 

Pour lutter contre l’isolement des aînés, des solutions universelles ?

Questionnées sur les meilleures solutions pour lutter contre l’isolement à mettre en place selon elles dans leur pays, les associations du réseau international des Petits Frères des Pauvres ont émis des préconisations concordantes avec les recommandations que nous proposons généralement de mettre en place en France. Ainsi, pour améliorer le quotidien des personnes âgées en France, nos différents rapports conseillent la mise en place de transports adaptés, le maintien des commerces et services de proximité ou encore de favoriser les liens intergénérationnels.

Des améliorations qui seraient appréciées en Belgique où l’Association Bras dessus Bras dessous regrette également les imperfections de l’aménagement urbain (trottoirs abîmés, manque de bancs publics…), le manque d’informations sur les services de proximité ou encore la fracture numérique (disparition des services comme les banques…). 

Chez nos homologues grecs, l’exclusion numérique handicape aussi les aînés qui sont nombreux à vouloir acquérir des compétences dans ce domaine pour pouvoir être en lien avec les autres. Selon une enquête de notre association partenaire, l’Institut Prolepsis, ils apprécieraient aussi une aide au quotidien pour faire des courses, les transporter vers des destinations proches, aller chez le médecin ou encore effectuer des démarches administratives.

En Irlande, l’association Friends of the Elderly Ireland note aussi un besoin d’accès aux outils numériques et pense qu’il serait intéressant de développer davantage de programmes intergénérationnels pour briser la solitude des aînés. Elle estime que les personnes âgées devraient aussi bénéficier d’activité physique gratuite et plus accessible et aussi de programmes d’éducation sur l’alimentation et la santé.

Enfin, la Hongrie se distingue des autres pays : les aînés y semblent dans une situation financière et sociale plus précaire, avec des difficultés d’accès aux soins. C’est pourquoi le programme Idosek Baratai, préconise en priorité d’informer plus précisément les personnes sur les aides et ressources disponibles pour leur permettre de se nourrir, se soigner, se loger… et conclut en rappelant l’importance des liens sociaux pour conserver le moral et une dose d’optimisme nécessaire à tout âge de la vie ! La Roumanie fait face aux mêmes problématiques : la pauvreté est la principale préoccupation des aînés. L’association Niciodată Singur (Never Alone – Friends of the Elders) pense qu’un meilleur système de santé et de meilleurs soins à domicile amélioraient leur sort. 

Plus directement, tous remarquent l’importance vitale du lien social pour les personnes âgées. L’engagement des associations et des visites des bénévoles aux aînés isolés est donc primordial pour leur redonner goût à la vie. Mais nos associations ne peuvent agir seules face au fléau grandissant de l’isolement : chaque citoyen peut agir à son niveau. À l’occasion du 1er octobre 2021, les Petits Frères des Pauvres ont mis à disposition en France un kit « chasseur de solitude » à télécharger gratuitement pour inciter chacun à briser l’isolement dans son entourage.

 

 

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Audrey Achekian
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