« Ce qui est très précieux en ce moment, c’est d’avoir des appels des bénévoles des Petits Frères des Pauvres », nous confie Marie-Hélène, 76 ans, suivie par l’équipe des Petits Frères des Pauvres de Toulouse Est (31). Depuis le début du reconfinement, les Petits Frères des Pauvres maintiennent le lien grâce à la mise en place d’appels téléphoniques réguliers aux personnes âgées isolées accompagnées par nos équipes.
La ligne d’écoute téléphonique anonyme Solitud’écoute a également amplifié son organisation pour accueillir à nouveau un nombre croissant d’appels.
Un grand nombre de personnes âgées ressentent le besoin de s’exprimer pendant cette période de crise sanitaire, comme le remarque Mélanie Rossi, cheffe de projet de la ligne d’écoute Solitud’écoute : « Les plateformes d’écoute téléphonique telles que Solitud’écoute explosent depuis mars 2020 pour répondre à un besoin grandissant d’écoute. D’autres dispositifs des Petits Frères des Pauvres se sont également développés sur le territoire, notamment des dispositifs de veille téléphonique ou d’accompagnement téléphonique qui répondent à différents besoins, tous par téléphone. »
Le téléphone, une alternative aux visites
Alors que les visites sont limitées ou parfois impossibles en cette période de crise sanitaire, le téléphone apparaît comme l’alternative idéale. « Le téléphone est particulièrement adapté en situation de crise parce qu’il permet une mise en relation immédiate. « Je ne vais pas bien, j’appelle et j’obtiens une écoute ». Il permet aussi de maintenir du lien avec des publics géographiquement très isolés pour qui les visites ne seraient pas envisageables. », explique Mélanie Rossi.
Dans une relation à distance, l’écoutant doit toutefois s’adapter. « Dans la relation téléphonique, l’ouïe devient le premier sens utilisé et non la vue comme lors d’une visite. La communication ne peut passer que par le verbal alors que le non-verbal est la base de toute discussion en face-à-face. Cela demande donc une adaptation de l’écoutant (son ton, son intonation, son débit etc.) », décrit Mélanie Rossi.
Pour la personne écoutée, cela a des effets… insoupçonnés ! « Certaines études ont montré que la relation par téléphone facilitait l’expression de la souffrance. La personne se concentre davantage sur son discours et entre plus directement dans le vif du sujet. Il n’y a pas d’interférences visuelles extérieures ni le regard de l’autre sur nous. La crainte du jugement est moindre et se confier apparaît parfois plus facile. Dans le cas des lignes d’écoute, c’est surtout l’anonymat qui libère la parole. » révèle-t-elle.
Le téléphone, du réconfort pendant le confinement
Maintenir le lien social par téléphone, un besoin essentiel pour nos aînés ?
« Il semblerait que cet appel téléphonique permette de reprendre contact, de rompre en quelque sorte l’isolement en récréant du lien. Cela permettrait éventuellement aux bénévoles de proposer un entretien pour identifier les besoins et les ressources des personnes âgées. Par ailleurs, des appels réguliers peuvent rythmer le quotidien des personnes âgées et leur apporter du réconfort. », témoigne Anne-Julie Vaillant-Ciszewicz, gérontopsychologue au CHU de Nice et également coordonnatrice de la hotline gériatrique mise en place dans les Alpes-Maritimes pendant le confinement.
L’appel téléphonique permet de reprendre contact, de rompre en quelque sorte l’isolement en récréant du lien
Alors que la crise sanitaire a de graves conséquences sur le moral des personnes âgées – notre rapport sur les effets du confinement en juin 2020 montrait que pour 41 % des personnes âgées, le confinement avait un eu impact négatif sur leur santé morale- le téléphone permet d’apaiser l’anxiété. « De par l’incertitude que nous vivons actuellement, le manque de visibilité sur l’avenir est particulièrement anxiogène. Sur la ligne Solitud’écoute, nous recevons des appels de personnes de plus en plus angoissées, voire désespérées qui se disent « à bout de souffle ». Certains appelants évoquent la peur de mourir mais d’autres, peut-être plus nombreux encore, évoquent aussi la crainte de continuer à vivre dans CE monde. La perte de sens donnée à sa vie constitue certainement le témoignage le plus fort que nous connaissons depuis la crise sanitaire. », dévoile la cheffe de projet de la ligne Solitud’écoute.
Mêmes observations pour notre gérontopsychologue qui a reçu des appels de soignants intervenant en Ehpad : « La Hotline du CHU de Cimiez a pris en charge des appels de soignants lors de la crise. Les soignants ont observé chez les résidents d’Ehpad plus de symptômes dépressifs et anxieux exacerbés par le confinement et surtout le manque des proches et des symptômes de déconditionnement (ce que l’on appelait auparavant le fameux syndrome de glissement). ».
Apaiser l’angoisse des personnes âgées
Alors un coup de téléphone peut-il suffire à apaiser toutes les angoisses des personnes âgées ?
« Je garde le moral. Il y a des périodes où ça ne va pas, on a le cafard. Si ça ne va pas, j’appelle quelqu’un des Petits Frères des Pauvres, et le fait d’entendre sa voix, ça me réconforte complètement. J’ai quelqu’un à qui me confier. », confie Camille, 86 ans.
« Une dame avait notre numéro de téléphone depuis longtemps dans son carnet, au point qu’il était presque effacé. Ce jour-là c’était son anniversaire et personne ne l’avait appelée, c’était trop pour elle, elle ne pouvait aller voir personne. Elle m’a dit : soit je parle à quelqu’un soit je sombre. Je suis restée 45 mn avec elle, je lui ai souhaité un joyeux anniversaire et elle était contente quand elle a raccroché. », se rappelle une bénévole Solitud’écoute.
Si ça ne va pas, j’appelle quelqu’un des Petits Frères des Pauvres, et le fait d’entendre sa voix, ça me réconforte complètement.
Sur la ligne Solitud’écoute, les bénévoles écoutants font régulièrement face à des appels de détresse et ont développé l’expertise pour offrir une écoute adaptée permettant de désamorcer les angoisses.
« L’écoutant va d’abord permettre à la personne de ventiler ses émotions réprimées. Pour la grande majorité des appels, cette étape d’expression et de reconnaissance des émotions est tout ce que recherche l’appelant. Puis l’écoutant va s’efforcer de concentrer son discours sur l’avenir. Une personne angoissée voire désespérée est une personne qui ne croit plus qu’un changement est possible. Transmettre de l’espoir est donc la grande qualité d’un écoutant en situation de crise. », dévoile Mélanie Rossi.