Violence entre conjoints âgés, négligences multiples de la part d’un proche aidant, utilisation abusive des moyens de paiement, infantilisation, propos dévalorisants, enfermement, exposition à un environnement violent, maintien forcé à domicile pour ne pas avoir à payer un EHPAD… autant de formes de maltraitances envers des personnes âgées au sein d’une même unité familiale.
Alors que notre Association participe aux travaux des Etats Généraux des maltraitances et intègre deux groupes de travail pilotés par la Haute Autorité de Santé pour élaborer des outils de repérage et d’intervention sur les maltraitances en établissements et sur les maltraitances intrafamiliales, les Petits Frères des Pauvres reviennent sur 6 points clés souvent méconnus.
C’est encore présent dans l’esprit du plus grand nombre : la maltraitance est surtout physique. Mais, et cela a été reconnu récemment par la loi, une action ou un défaut d’action qui porte atteinte aux droits ou aux besoins fondamentaux d’une personne en situation de vulnérabilité est une maltraitance.
Ainsi, les négligences, traitements dégradants, abus de confiance, pressions financières,
démarchages commerciaux abusifs, violences verbales sont des maltraitances, mais aussi l’enfermement ou encore le fait de laisser une personne dans un état de dénuement ou d’isolement s’apparente à une négligence.
Les actes de maltraitance, et cela n’altèrent pas leur gravité, peuvent être ponctuels, répétés, ou fréquents.
2- En majorité, la maltraitance des personnes âgées a lieu à domicile
C’est un fait : le nombre d’appels téléphoniques reçus par la plateforme nationale téléphonique 3977 de lutte contre les maltraitances envers les personnes âgées et les adultes en situation de handicap ainsi que son réseau de centres Alma (allo maltraitance) recensent dans 73 % des cas, de la maltraitance à domicile. Et 66 % des auteurs font partie de l’entourage proche (famille, amis…). Des données essentielles qui viennent contredire les idées reçues qui assimilent à tort « maltraitance » à « EHPAD »
Comme le précise Magali Assor, cheffe de projet Lutte contre les maltraitances et Démarche de réflexion éthique chez les Petits Frères des Pauvres : « Les maltraitances en Ehpad ont toujours été plus médiatisées et elles font aujourd’hui l’objet de plus de plus de signalements mais celles qui ont lieu au domicile sont encore trop peu visibles. On ne mesure pas leur ampleur. Dans ces situations, rien n’est simple : ni l’origine des maltraitances ni les conditions possibles pour les faire cesser mais il est indispensable de faire baisser le seuil d’acceptation de ces violences ou de ces négligences faites aux aînés en situation de vulnérabilité. »
3- Des violences souvent non intentionnelles
Comme le note la Fédération 3977 concernant l’ensemble des maltraitances signalées, celles envers les personnes âgées en situation de vulnérabilité sont principalement des omissions ou des négligences dans les soins ou les actes de vie quotidienne.Viennent ensuite les maltraitances psychologiques, verbales et physiques. Toutes ces situations sont complexes mais les dynamiques familiales rendent plus difficiles la parole et l’action.
L’image souvent véhiculée lorsqu’il s’agit de maltraitance est celle d’une personne particulièrement malveillante. Or bien souvent, les auteurs de maltraitance, au sein des familles, n’ont pas conscience de l’être. Cependant, les maltraitances n’ont pas besoin d’être intentionnelles pour exister.
Les facteurs déclencheurs sont multiples : il peut s’agir de conflits familiaux anciens qui perdurent et prennent une autre dimension dans le grand âge, de difficultés en lien avec la perte d’autonomie du parent devenu âgé, d’un épuisement des aidants qui peut devenir le terreau de toutes les maltraitances. L’alcool et la consommation de stupéfiants sont à la fois des facteurs de risque mais entretiennent également un climat violent.
De nombreuses situations deviennent problématiques lors du retour au domicile du parent âgé des enfants et/ou des petits enfants. Ces cohabitations sont plus subies que choisies (souvent pour des raisons d’ordre financier). Dans des logements inappropriés, les équilibres et le bien-être des uns et des autres ne sont plus garantis. Cela peut dégénérer progressivement et prendre bien des formes de maltraitances involontaires, négligences, privation de soin et violences verbales, psychologiques et physiques.
4- Les violences conjugales, un fléau qui n’a pas d’âge
Les statistiques officielles des violences faites aux femmes ne prennent pas en compte les femmes victimes de plus de 75 ans. Ceci invisibilise complètement le phénomène de violence conjugale dans le grand âge. Pourtant on sait que qu’elles peuvent être vécues à tous les âges de la vie et dans tous les milieux sociaux, économiques et culturels.
D’ailleurs, on estime que 26 % des victimes de morts violentes au sein des couples sont des femmes de plus de 60 ans, et 10 % des femmes de plus de 80 ans.
5- Pour que la situation s’améliore, il faut finalement aider la victime et les responsables…
Dans une situation de maltraitance intrafamiliale, aussi étonnant que cela puisse sembler, pour espérer retrouver un équilibre, il faut aider tout le monde, y compris le responsable des violences. « En effet, dans ce genre de situation, bien souvent toutes les personnes souffrent d’une manière ou d’une autre. Ou rencontrent des difficultés telles qu’elles ne peuvent pas y faire face seules. Il est important de travailler avec tous les partenaires, les services sociaux, les acteurs du soin, les mandataires judiciaires, parfois les services du Parquet pour qu’un maillage se créé autour et avec cette cellule familiale », explique Magali Assor.
6- Le bénévole, un intermédiaire de confiance
En accompagnant plusieurs milliers de personnes âgées souffrant d’isolement, de précarité, de maladies graves, les Petits Frères des Pauvres rencontrent chaque année des situations complexes parfois très préoccupantes.
Les maltraitances intrafamiliales sont particulièrement délicates : elles sont moins exprimées en raison des systèmes de loyauté forts entre membres d’une même famille. Les victimes préfèrent souvent se taire car elles sont dévorées par la culpabilité et la peur de voir un proche condamné.
Les bénévoles d’accompagnement sont des intermédiaires de confiance, c’est-à-dire qu’ils sont souvent perçus comme moins intimidants que les services sociaux ou la police. Grâce à leur présence, leur écoute et leur patience, ils permettent de révéler des situations devenues inacceptables. Ils restent présents auprès des personnes pendant cette épreuve, en les soutenant moralement et en leur proposant des activités, de vraies bulles d’oxygène qui redonnent de la force et du courage. « La personne que j’accompagne a trouvé en moi quelqu’un d’extérieur pour pouvoir se soulager, exprimer son mal-être et ce besoin qu’elle avait de tranquillité, de repos, de sérénité. Je suis tombée au bon moment ! », sourit Monique, bénévole des Petits Frères des Pauvres de Mantes la Jolie (78) qui a soutenu une personne âgée de son équipe pendant une situation de maltraitance.
Monique, Esther, Françoise, Jean-Christophe, tous ont accompagné des personnes âgées dans des situations très difficiles et faire cesser les maltraitances dont elles étaient victimes a été long. Mais tous sont unanimes lorsqu’on leur demande ce qui compte : « Ne pas se taire » et « rester présent auprès des personnes ».