Une tarte aux pommes normande, madeleine de Proust de Bernard
« Bernard était originaire de Normandie et était chauffeur routier international. Lors de l’une de mes dernières visites, notre discussion avait dérapé sur la pâtisserie en général (Bernard était très gourmand) et que son gâteau préféré était la tarte aux pommes « normande » (les origines remontaient), mais malheureusement, il n’en trouvait pas ici à Marseille. Je fis mine de partir pour le revoir le lendemain, comme d’habitude, mais en fait je fonçais au supermarché du coin pour lui acheter une tarte aux pommes, bien sûr banale. Qu’elle ne fut pas ma surprise de trouver au rayon adéquat, des portions de tarte aux pommes « normande ». Tous les petits miracles sont bons à prendre ! Je suis revenu une demi-heure après dans sa chambre. Je n’oublierai jamais son sourire d’enfant, lorsque je lui ai présenté cette pâtisserie improbable. Ce sourire s’est planté dans mon cœur, à jamais ce soir-là. », Gérard, bénévole de l’équipe d’Accompagnement des personnes malades des Petits Frères des Pauvres d’Aix/ Marseille.
Les vêpres de Rachmaninov depuis le lit d’hôpital
« Elle s’appelle Véra. Elle est russe, orthodoxe, elle a 99 ans. Elle est en soins palliatifs à l’hôpital de Sèvres (92). Je l’ai vue à plusieurs reprises et la maladie progresse à grande vitesse. À notre dernière rencontre, elle a les yeux fermés. Elle est soit endormie, soit vraiment absente. Je m’approche, je lui prends la main, elle ouvre les yeux et me reconnaît. Je ne dis pas un mot, elle essaie de parler mais je vois que c’est difficile et c’est un effort que je ne veux pas lui imposer. Alors j’ai l’idée de sortir mon téléphone, d’aller sur Youtube et de lui faire écouter les vêpres de Rachmaninov chantées par la chorale de Irkoutsk. Je pose mon téléphone sur son lit, elle est très surprise. Au premier couplet des vêpres, elle garde les yeux fermés. Au deuxième, elle les ouvre, regarde l’image et prend l’appareil pour le coller contre son oreille. Au couplet d’après qui se termine par des « Alléluia » chantés par le chœur d’hommes, elle chante à son tour en rythme. Au couplet suivant, elle a de nouveau fermé les yeux. À mon tour, je ferme l’appareil et quitte la chambre en la laissant endormie. Dans le couloir, je me surprends à chanter moi-même « Alléluia » », raconte Etienne, bénévole pour l’équipe Accompagnement des personnes malades de la banlieue Ile-de-France.
Je n’oublierai jamais son sourire d’enfant, lorsque je lui ai présenté cette pâtisserie improbable
Un tour pour aller voir un arbre centenaire
Isolée chez elle, très malade, Thérèse ne peut plus se déplacer sans sa canne et ne sort plus de chez elle depuis longtemps. L’équipe d’accompagnement des personnes malades et/ou en fin de vie de Cambrai (59) souhaitait réaliser l’un de ses projets. Thérèse rêvait de revoir un ginkgo biloba, arbre qu’elle avait vu il y a fort longtemps au jardin public de Cambrai. En juin 2020, 3 bénévoles et une salariée des Petits Frères des Frères se préparaient donc pour cette sortie : « Quand nous l’avons vu, Thérèse s’est levée de son fauteuil. Elle était contente, émue, elle a embrassé puis enlacé l’arbre quelques minutes. Enfin, elle a ramassé des feuilles pour les tenir dans ses mains. », raconte Laurence, bénévole.
« Thérèse a exprimé plusieurs fois lors de nos rencontres le fait qu’elle se sentait oubliée de la société et de sa famille. Le fait qu’on accède à ce vœu, c’est une preuve qu’elle existe et qu’elle a encore une place dans la société. Cette sortie lui a aussi remonté le moral, on lui a donné l’envie de continuer, le goût de faire des petits projets même si c’est à court-terme », ajoute-t-elle.
>> En savoir plus sur son histoire : Très malade, Thérèse rêvait de revoir cet arbre centenaire
Des visites en lecture pour une ancienne journaliste
« Je vais régulièrement rendre visite à Martine depuis quelques mois déjà. Elle est atteinte d’une maladie dégénérative rare et ne peut plus du tout s’exprimer, que ce soit par la parole ou par un système d’écriture quelconque. La demande initiale qui m’a été faite était de venir lui faire la lecture. En effet, elle était journaliste avant de tomber malade et aimait beaucoup lire. J’ai cherché des textes qui soient à la fois denses et courts, en me renseignant sur ses centres d’intérêt. Puis j’ai commencé à établir une relation avec elle à partir de ce que je lui lisais, en lui commentant mes choix et en essayant de « lire » sur son visage et dans ses attitudes ce qu’elle pouvait éprouver. J’ai le sentiment d’apporter ma petite collaboration pour lui faire passer des moments chaleureux et la lumière que je vois parfois dans son regard lorsque je rentre dans la pièce me fait chaud au cœur. », témoigne Elisabeth, bénévole de l’équipe d’Accompagnement des personnes malades des Petits Frères des Pauvres de Paris.
Un livre édité pour Joseph, en fin de vie
Lorsque Joseph, 72 ans, se réveille après une tentative de suicide alors qu’il est gravement malade, on lui donne le conseil d’écrire sa biographie. Petit à petit, cette idée fait son chemin et il rédige de nombreuses pages. Rapidement, ce livre étant devenu très important, Joseph émet le souhait de voir son livre édité avant de mourir. Pour les bénévoles des Petits Frères des Pauvres de Marseille (13), ce rêve doit absolument être exaucé !
Grâce à la mobilisation de plusieurs bénévoles qui se relaient pour retaper sur ordinateur les pages manuscrites, le livre est édité en quelques exemplaires destinés à Joseph et ses proches deux jours avant la deuxième période de confinement. « Quand on lui a remis l’ouvrage, il était ému. Il avait les larmes aux yeux. », se rappelle Gérard, bénévole.
>> En savoir plus sur son histoire : Touchant : des bénévoles se mobilisent pour faire publier son livre
Un doux massage des jambes sur le lit d’hôpital
« Nous avons connu Yannick, 60 ans, aux prémices de sa maladie. Au début, il parlait et marchait mais peu à peu, sa sclérose latérale amyotrophique l’a empêché d’utiliser ses jambes, puis ses mains et enfin il a eu des difficultés à parler avec l’intubation et la ventilation. Lorsqu’il a été admis en réanimation, nous communiquions en lisant sur ses lèvres. Un jour où nous lui demandions ce que nous pouvions faire pour l’aider, il nous a fait comprendre par son regard qu’il souhaitait qu’on le « touche ». « Masser », est un bien grand mot car nous ne sommes pas spécialistes ! Avec l’accord des soignants qui nous ont confirmé que cela l’apaisait, nous avons effectué ces gestes. Chacune de notre côté avec une autre bénévole. Ce fût, à notre grande surprise – car une première pour nous- un moment très agréable, de partage et de communication. Quel plaisir de voir ses yeux s’illuminer, son sourire revenir, son visage se décrisper. Rolande et moi avons passé avec Yannick un moment magique. Grâce à ces touchers, il pouvait encore ressentir quelque chose ! », Hélène et Rolande, de l’équipe d’accompagnement des personnes malades de Cambrai (59).
Quel plaisir de voir ses yeux s’illuminer, son sourire revenir !
Des échanges autour de la cuisine
« Sophie est une femme de 53 ans d’origine cambodgienne vivant à Nantes. Elle est atteinte d’un cancer métastasé aux os et évolutif mois après mois. Elle est en manque d’activité, elle s’ennuie chez elle et tient à tout prix à trouver des choses à faire. Après des visites pleines de discussions afin d’apprendre à se connaitre nous avons trouvé une activité commune : la cuisine. Au grand plaisir de Sophie qui voulait apprendre à cuisiner d’autres plats et m’apprendre à cuisiner des plats cambodgiens. Chaque semaine l’une d’entre nous amène un dessert ou une entrée à faire goûter à l’autre ou bien prévoit de quoi faire ensemble un plat que nous dégustons ensuite ensemble ! Un moment de joie de partage que j’apprécie chaque semaine. », Soazig, bénévole de l’équipe d’Accompagnement des personnes malades des Petits Frères des Pauvres de Nantes.
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