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Une psychothérapeute alerte sur le risque que couraient les plus vulnérables pendant le confinement

Quels effets psychologiques le confinement et le déconfinement ont-ils sur les personnes âgées ? Une psychothérapeute nous répond. © Bonsales / Shutterstock.com
Quels effets psychologiques le confinement et le déconfinement ont-ils sur les personnes âgées ? Une psychothérapeute nous répond. © Bonsales / Shutterstock.com

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Dans leur rapport sur les effets du confinement sur les personnes âgées (étude CSA Research menée auprès de 1500 aînés), les Petits Frères des Pauvres révèlent notamment les impacts négatifs de la crise sanitaire sur nos aînés et leur crainte du déconfinement. Hélène Romano, psychothérapeute spécialiste des victimes, commente l’étude.

Petits Frères des Pauvres : Selon notre étude, le confinement a généré un impact négatif sur la santé morale pour 41 % des personnes âgées et 31 % sur la santé physique. Pouvez-vous nous rappeler quels traumatismes le confinement peut-il créer ?

Hélène Romano : « Le confinement a eu une dimension traumatogène pour les personnes qui ont vécu comme un deuil, une perte : perte de la liberté de mouvement, de la possibilité de voir sa famille et ses proches, de son rythme du quotidien, de ses repères… Aussi, mieux on était dans sa vie, plus on était entouré, mieux on l’a vécu. Mais pour les personnes qui avaient des histoires traumatiques, être isolé et confiné, cela a été très rude, très angoissant, et ce, dès la première semaine. Pour elles, le confinement a fait remonter leur vécu traumatogène, une angoisse de mort, sans parler des chiffres épouvantables qui étaient annoncés dans les médias tous les soirs. Le danger, pour une population vulnérable, qui est mise en situation de stress, c’est que le confinement risquait de la faire imploser… 
Ce contexte de stress a épuisé l’ensemble de la population mais c’était d’autant plus attendu chez les personnes âgées qui, avec l’aspect physiologique, sont plus fatiguées que les autres du fait de leur âge. Pour tous, les deux mois ont été plus ou moins stressants selon les conditions de vie, les conditions de confinement, et selon l’aide dont elles ont bénéficié. Toutes ces circonstances vont jouer ainsi que le passif et les traumatismes qui ont existé, mais il est vrai que les personnes âgées se sentent plus fragiles et stressées en ce moment : ces réactions sont tout à fait adaptées par rapport au contexte qu’elles viennent de vivre !

Le danger, pour une population vulnérable, qui est mise en situation de stress, c’est que le confinement risquait de la faire imploser… 

De plus, au niveau psychique, la période a été très difficile pour les personnes âgées car leurs petits-enfants ont eu interdiction de venir les voir parce qu’on leur a dit qu’ils étaient porteurs et dangereux. Par exemple, j’ai un patient âgé qui m’expliquait « mon petit-fils c’est tout ce que j’ai dans ma vie, c’est l’avenir. On me dit que cet avenir peut me tuer ». Il a synthétisé mais cette phrase était criante de vérité. Pour un grand nombre de personnes âgées, voir leur petits-enfants constitue une ressource psychique, or les médecins leur ont signifié avec une forme de raccourci : « vos petits-enfants sont porteurs, il y a un risque pour vous ». Ce qui est si vital psychiquement devient soudain un danger de mort… C’est extrêmement violent. Ce qui est une ressource de vie, devenait une ressource de mort. Cependant, c’est le virus qui était un risque et c’est le fait que le virus utilise comme « transporteur » les enfants qui représente un risque. Pour une personne âgée qui a comme ressource ses enfants ou ses petits-enfants, elle pense alors « mais ce sont eux les dangers, le danger vient de l’intérieur ». Psychiquement, ce discours va laisser des traces car il a insécurisé les personnes âgées. 

Hélène Romano, psychothérapeute. © Éditions Odile Jacob

Avec le déconfinement, nous sommes maintenant face à des situations ambivalentes où nos aînés ont besoin de voir leurs petits-enfants et craignent en même temps de les rencontrer car ils ont toujours peur de la contamination, ce qui va créer une dissonance cognitive. 

Aujourd’hui, il ne faut pas être pessimistes mais s’interroger pour savoir comment restaurer ces liens qui sont si fondamentaux avec leurs petits-enfants. Il faudra également mener tout un travail de résilience collective et voir, comment ensemble, nous allons dépasser cette épreuve et arriver à en trouver des aspects positifs…

Petits Frères des Pauvres : D’après notre rapport, les aînés comptent, à 80 %, continuer à limiter leurs sorties et leurs contacts pendant le déconfinement. Plus de 830 000 personnes âgées ne souhaitent pas sortir. Il y a une part de responsabilité là-dedans mais aussi de peur. Quels traumatismes le déconfinement peut-il induire ?

Hélène Romano : Les traumatismes du déconfinement sont justement liés à la qualité des liens que nous évoquions, sur le sentiment de confiance et de protection. Pour aller bien, une personne, doit se sentir protégée (c’est la dimension psychique), sécurisée (dimension matérielle) et avoir une bonne estime d’elle-même. Dans cette situation de crise sanitaire, nos aînés ne se sentent pas protégés psychiquement parce que les liens intergénérationnels sont altérés, ils ne sont pas sécurisés parce que le virus est toujours présent, et leur estime d’eux-mêmes est très affaiblie parce qu’ils ne cessent d’entendre partout que les personnes âgées sont vulnérables, qu’elles sont à risques, qu’il faut que les aînés restent chez eux et que la société fait du jeunisme… C’est extrêmement compliqué pour eux. 

L’estime des personnes âgées est très affaiblie parce que la société fait du jeunisme !

Par ailleurs, le fait de ne pas sortir est très lié à cette insécurité qu’ils ressentent et souvent lorsque les personnes âgées ont des proches qui arrivent à les rassurer, c’est plus facile ! Cependant, il y a encore tout un discours inquiétant-qui n’est pas faux et c’est ça qui est compliqué- mais tant qu’on aura cette réalité que le covid-19 est dehors, il y aura une angoisse de mort. La difficulté actuellement, c’est que lorsqu’une personne est fatiguée psychiquement, qu’en plus elle est isolée, et qu’elle entend en boucle les informations, sans personne pour lui permettre de rationnaliser, de retrouver son esprit critique et sa liberté de penser, elle est comme hypnotisée par les discours ambiants et c’est délicat ». 

>> Signez et partagez ce manifeste pour que les personnes âgées ne soient plus jamais invisibles et pour que la solidarité envers eux perdure après cette période de confinement.

>> Découvrez notre site dédié au rapport avec des témoignages, des interviews d’experts, des vidéos, des photos… 

 

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Audrey Achekian
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