Alors que la jeunesse est souvent prise dans un tourbillon de projets personnels et professionnels (voyages, travail, famille) avec des contraintes à assumer (enfants, logement…), il n’est pas toujours simple de se réaliser et de poursuivre ses propres rêves. Dans son best-seller Il n’est jamais trop tard pour éclore, Catherine Taret s’attarde sur les « late bloomer » (éclosion tardive), comme on dit Outre-Atlantique les personnes qui se révèlent, fleurissent plus tard dans la vie : « On commence à fleurir (to bloom) quand on touche à sa vérité. Quand on est juste. Quand on est en cohérence avec soi-même. Quand l’âme agit (la magie). »
Sans compter, la pression sociale ou encore la procrastination qui peuvent retarder les talents… Mais finalement, qui a dit qu’il y avait un âge pour réussir ? D’ailleurs des études montrent qu’on devient plus entreprenant (et couronné de succès !) en vieillissant. D’après les chercheurs du National bureau of economic research (2018), l’âge moyen des fondateurs qui réussissent est de 42 ans. Voire 45 ans pour les entreprises à croissance rapide.
Avec les « late bloomer », la société va devoir s’adapter à ces nouveaux profils aux carrières diverses et prolifiques. De quoi booster le taux d’emploi des 55-64 ans en France ?
Grandma Moses, peintre étonnante
Grandma Moses est une célèbre peintre américaine qui a découvert sa passion à près de 80 ans !
Anna Mary Robertson Moses (connue plus tard sous le nom de Grandma Moses) est née en septembre 1860. Elle travaille très tôt pour de riches fermiers, s’occupant du ménage et des tâches ménagères, même si elle se découvre déjà un penchant pour l’art.
Elle se marie en 1887 et s’installe dans une ferme en Virginie où elle donne naissance à dix enfants. En parallèle de sa vie au foyer, elle s’adonne à la broderie et offre régulièrement des petits cadeaux à ses amis. En 1905, elle retourne vivre à New-York avec sa famille.
Vieillissante, percluse d’arthrite, elle se détourne avec regret de la broderie. Sous les conseils de sa sœur, elle est dirigée vers la peinture. En 1938, à 78 ans, elle prend ses premiers pinceaux pour peindre la vie rurale, des paysages de la Nouvelle-Angleterre… Sans aucune formation artistique mais avec un grand sens du détail, Grandma Moses s’applique à peindre de nombreuses toiles et offre ses premiers tableaux. C’est un collectionneur d’art, Louis J. Caldor, qui repère son travail dans une pharmacie et lui permet de connaître rapidement une renommée nationale et internationale, au point d’être incluse dans une exposition du MOMA en 1939 (soit un an après ses débuts). C’est le début d’une illustre carrière.
Au total, Grandma Moses aura peint plus de 1 500 œuvres en près de trois décennies, jusqu’à sa mort en 1961 à l’âge de 101 ans. Ses toiles se vendent désormais plusieurs milliers de dollars et elle a été récompensée de nombreux prix.
Harland Sanders, créateur de la franchise « KFC »
Aujourd’hui, c’est l’une des marques leader de la restauration rapide. Mais tout n’a pas toujours été rose pour son créateur au sourire chaleureux et à la belle moustache blanche.
Harland David Sanders a connu bien des déboires avant de réussir à trouver la formule qui marche ! Né dans une famille modeste aux Etats-Unis en 1890 où il doit s’occuper de nourrir ses frères et sœur, il quitte l’école à 12 ans. À l’adolescence, il touche à de nombreux métiers : ouvrier agricole, conducteur de tramway… avant de s’enrôler dans l’armée avant ses 16 ans.
Plus tard, pour faire vivre sa femme et leurs trois enfants, il n’hésite pas non plus à prendre des risques pour monter une manufacture, puis devenir cheminot. Le soir, il prend des cours de droit en plus et finit par travailler à la cour. Alors que la crise de 1929 arrive, Sanders se renouvelle encore et se voit confier une station de service où il commence à servir à manger aux clients. Il y met au point une recette de 11 herbes et épices qu’il espère fructueuse…
Mais avec la seconde guerre mondiale, ce n’est qu’à l’aube de ses 60 ans, que l’ancien militaire renommé Colonel du Kentucky commence à convaincre quelques franchisés de vendre son poulet épicé ! Armé de ses recettes et de sa persévérance, il se bat pour que l’entreprise Kentucky Fried Chicken (KFC) voie le jour.
Caroline Ida, mannequin à 60 ans
Égérie du défilé intergénérationnel des Petits Frères des Pauvres à la mairie de Paris en octobre 2022, Caroline Ida Ours s’est fait remarquer sur les réseaux sociaux sur le tard…
Née en France, Caroline Ida rejoint rapidement après son bac l’entreprise familiale de fabrication de patins à glace et de chaussons pour la planche à voile. Elle y reste jusqu’à l’âge de 45 ans et enchaîne un temps les postes d’assistante commerciale en intérim avant de travailler pendant sept ans dans une entreprise de sacs à main.
À 57 ans, c’est la révélation. Elle fait une grave rupture d’anévrisme qui lui ouvre les yeux. « Quand je me suis réveillée, j’ai pensé : « Ma Caro, il faut que tu arrêtes d’être une suiveuse. » Je voulais être indépendante, ne plus travailler pour les autres. Après tout, j’ai des gènes d’entrepreneuse ! Il était grand temps que je fasse quelque chose pour moi. »
Elle décide alors de se lancer sur les réseaux sociaux et entame des petits partenariats gratuits avec des marques. En juillet 2019, elle est sélectionnée pour un défilé « 100 % body positive » organisé par le Salon de la lingerie. En 2020, l’année de ses 60 ans, le Salon de la lingerie la met en tête d’affiche. Elle est ensuite choisie par la marque Darjeeling pour une belle campagne de publicité.
Depuis, les collaborations s’enchainent. L’occasion pour Caroline Ida d’oser montrer ses cheveux blancs, ses rondeurs et plus simplement le corps des femmes à 60 ans. « C’est une chance de vieillir », clamait-elle à l’issue de notre défilé.
Louis Pasteur, chimiste savant
Né en 1822 dans le Jura, en France, Louis Pasteur suit des études de sciences (même s’il est aussi passionné de peinture) avant d’être nommé professeur à Dijon. Il enseigne ensuite à Strasbourg avant d’être nommé doyen et professeur de chimie à Lille.
Dans le cadre de ses nouvelles fonctions, il entame des recherches sur le processus de fermentation. En 1857, le poste d’administrateur de l’École normale supérieure lui est proposé à Paris.
En avril 1865, alors qu’il a plus de 40 ans, il dépose l’un des brevets qui porte encore son nom et qui a fait sa célébrité : la pasteurisation. Sollicité par Napoléon III parce que la production de vin est aléatoire, il a l’idée de chauffer le vin entre 55° C et 60° C. À cette température, l’absence d’oxygène permet de le débarrasser des germes pathogènes.
En 1885, c’est la consécration de cinq ans de recherches : il traite pour la première fois par vaccination un enfant de 9 ans mordu par un chien enragé. Devant le succès de l’opération, il s’occupe d’un autre garçon et réussit à le sauver. À 63 ans, il a enfin trouvé le moyen de vaincre la rage et inventé la méthode générale qui va permettre de développer des vaccins contre toutes les maladies infectieuses.
La découverte du vaccin antirabique vaudra à Pasteur sa consécration : il recevra de nombreuses distinctions. Il a 66 ans lorsque naît l’Institut Pasteur, à la demande de l’Académie des Sciences.
Karl Lagerfeld, le créateur multifacettes
Derrière son costume noir et ses lunettes de soleil, Karl Lagerfeld a patiemment attendu avant de briller de mille feux !
Né à Hambourg, en Allemagne en 1933, Karl Otto Lagerfeldt de son vrai nom et sa mère viennent s’installer à Paris dans les années 50. Il étudie au lycée Montaigne, puis débute sa carrière comme illustrateur de mode. En 1954, il remporte le premier prix du Woolmark Prize à l’international pour son croquis de manteau.
Remarqué par Pierre Balmain, membre du jury, Karl Lagerfeld est embauché comme assistant personnel du couturier jusqu’en 1962. Directeur artistique du couturier Jean Patou à partir de 1959, il rejoint ensuite la marque Chloé, en 1963, pour sa collection de prêt-à-porter et sa ligne d’accessoires. Il conserve ses fonctions jusqu’en 1983 et parallèlement collabore avec la maison italienne Fendi à partir de 1965.
En 1983, la maison de couture Chanel est en pleine crise et a besoin d’un nouvel élan. Karl Lagerfeld a 50 ans lorsqu’il est alors choisi pour devenir directeur artistique de la marque.
En 1984, il crée Karl Lagerfeld, sa propre maison de couture.
Tout au long de sa vie, Karl cherche à se renouveler. À la fois designer, photographe, éditeur, réalisateur… il touche à tout et impose son style inimitable dans de nombreux domaines artistiques.
Lorsqu’il s’est éteint à 85 ans, à Paris, le Kaiser a provoqué un véritable séisme dans la mode.
Marcel Proust, l’écrivain dilettante
Eternellement célèbre avec son anecdote sur la madeleine mais surtout son œuvre magistrale « À la Recherche du temps perdu », Marcel Proust reste l’un des écrivains les plus étudiés. Pourtant, sa plume s’est longtemps cherchée…
Né dans une famille aisée en 1871, Marcel Proust vit dans un monde fait d’art, de littérature et de musique. Après avoir effectué son service militaire fin 1890, Proust entreprend, sans grand enthousiasme, des études de droit et de science politique. En parallèle, il écrit déjà, notamment un peu de poésie et quelques articles de presse.
Libre de toutes considérations financières, il se passionne pour la vie mondaine et dilapide sa fortune au jeu et en spéculations boursières. Délaissant ses études de droit, au grand désespoir de ses parents, Proust décroche enfin une licence de philosophie en 1895. Un manque de rigueur qui lui aura souvent valu sa réputation de personne dilettante…
En 1896, il publie Les Plaisirs et les Jours, un recueil de nouvelles et de poèmes en prose qui reçoit une critique plutôt favorable. Il rédige également un long roman autobiographique, Jean Santeuil mais le laissera à jamais inachevé…
Il a 42 ans lorsqu’il parvient à terminer et faire éditer en 1913 Du côté de chez Swann, son grand succès. Marcel Proust reçoit en 1919 (48 ans) le prix Goncourt pour A l’ombre des jeunes filles en fleur, le deuxième volet de la trilogie.
Les cinq autres tomes sont publiés entre 1920 et 1927, dont certains à titre posthume. Il s’est éteint en 1922 à l’âge de 51 ans.
Bernard Marcus, entrepreneur à succès
Home Dépôt, est aujourd’hui le plus grand détaillant spécialisé dans la rénovation du domicile, au monde. Ses nombreux magasins proposent un large panel de matériaux de construction, rénovation, produits de jardinerie, décoration, bricolage… À l’origine de cette firme à succès, Bernie Marcus et Arthur Blank.
Bernard Marcus est né en mai 1929 à Newark aux Etats-Unis. Ses parents, d’origine russe, ont émigré aux Etats-Unis pour avoir une meilleure vie.
Etudiant, il caresse l’espoir de devenir médecin… mais malheureusement, faute de moyens, il se rabat sur des études pharmacologiques à la Rutgers University. Il débute d’ailleurs sa carrière dans une officine puis s’oriente ensuite vers le commerce de détail et intègre une entreprise de cosmétiques. Petit à petit, il grimpe les échelons et finit par devenir PDG de Handy Dan Improvement Centers, une chaîne de magasins de rénovation basée à Los Angeles.
En 1978, alors qu’il a 50 ans, il est licencié de son emploi après des conflits internes. Pour lui, c’est l’opportunité qui va le pousser à ouvrir, aux côtés d’Arthur Blank, le premier magasin Home Dépôt.
À la tête de la société pendant 19 ans et de son conseil d’administration jusqu’en 2022, Bernie Marcus fait de Home Dépôt un acteur incontournable dans le secteur de l’équipement de la maison.
Il a d’ailleurs reçu de nombreux titres et prix de reconnaissance, comme la médaille d’honneur d’Ellis Island.
Outre sa société, Bernard Marcus a fondé la « Marcus Foundation » pour venir en aide aux enfants, à la recherche médicale, aux vétérans… Il est aussi l’auteur de plusieurs ouvrages sur le management et le leadership.
Micheline, mannequin et actrice à plus de 80 ans…
Après un passage dans le podcast des Petits Frères des Pauvres mais aussi pour le défilé intergénérationnel de notre Association à la mairie de Paris en octobre 2022, Micheline, 82 ans, exerce désormais ses talents au Festival d’Avignon…
Parisienne, Micheline Boussaingault a fait carrière au sein d’une grande compagnie aérienne française en tant qu’assistante sociale. Durant 17 ans, elle vit un grand amour avec une femme qui perd soudainement la vie.
À son décès, Micheline a 57 ans et se retrouve seule, isolée et un peu perdue avec sa sexualité. Elle pense ne jamais retrouver l’amour. Elle décide alors d’intégrer une association, Grey Pride, au sein de laquelle elle milite et rencontre sa compagne actuelle.
En septembre 2022, c’est une première consécration lorsque, de sa voix chaleureuse, Micheline ose se confier sur sa vie sentimentale, ses envies et ses plaisirs au micro des Petits Frères des Pauvres pour notre podcast consacré à la vie sexuelle des personnes âgées. En octobre de la même année, elle défile pour combattre l’âgisme et faire changer de regard sur la vieillesse, avec notre Association dans les salons de la mairie de Paris.
Remarquée grâce au podcast, elle est aujourd’hui à 82 ans, l’une des héroïnes de la pièce de théâtre “La vie secrète des vieux”, de Mohamed El Khatib qui s’est produite au 78e Festival d’Avignon (2024). Aux côtés de 7 autres aînés, elle en dit plus sur son désir amoureux et ses pratiques.
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