Depuis 2022, l’association Petits Frères des Pauvres, qui lutte contre l’isolement des personnes âgées, publie chaque année un bilan sur les morts solitaires en France. Mais ces chiffres ne représentent probablement que la partie émergée de l’iceberg. Pourquoi la France est-elle en retard sur la collecte de données ? Et que pouvons-nous apprendre des exemples européens ?
La France : un manque criant de données officielles sur les morts solitaires
En France, il n’existe aucune base de données publique centralisée permettant de recenser les morts solitaires. Le phénomène reste invisible dans les statistiques officielles de l’INSEE ou des services de santé publique. La seule organisation qui publie un bilan annuel sur ce sujet est l’association Petits Frères des Pauvres, qui recense les cas de morts solitaires des personnes âgées relayés dans la presse.
Le bilan des Petits Frères des Pauvres : une première avancée
Depuis 2022, les Petits Frères des Pauvres publient chaque année un bilan alarmant. En 2024, chaque mois, 2 personnes âgées isolées ont été retrouvées mortes chez elles, longtemps après leur décès. Mais ce chiffre est très probablement sous-estimé. Beaucoup de décès dans l’isolement passent inaperçus, faute de signalement.
Pourquoi un tel manque de données ?
- Aucune obligation légale pour les services funéraires de signaler les morts solitaires
- Des procédures administratives floues pour identifier les personnes décédées sans entourage
Ce déficit statistique pose un problème majeur : un problème dont on ne connaît pas l’ampleur exacte ne peut pas être résolu efficacement.
Le Royaume-Uni : une étude révèle une augmentation des cas de mort solitaire
Bien que, l’équivalent de l’INSEE en Grande Bretagne, l’Office for National Statistics (ONS), ne fournisse pas de données spécifiques sur les décès survenus à domicile sans la présence de proches, des études et rapports récents mettent en lumière l’augmentation des décès solitaires non détectés au Royaume-Uni.
Une étude publiée en 2023 dans le Journal of the Royal Society of Medicine révèle une tendance préoccupante : depuis les années 1980, le nombre de personnes retrouvées longtemps après leur décès à domicile est en constante augmentation en Angleterre et au Pays de Galles. Cette étude souligne notamment que les hommes sont deux fois plus susceptibles que les femmes d’être découverts en état de décomposition.
Face à cette réalité alarmante, le gouvernement britannique a pris des mesures pour lutter contre l’isolement social. En 2018, un ministère dédié à la solitude a été créé, reconnaissant ainsi l’ampleur du problème et la nécessité d’interventions ciblées pour renforcer les liens sociaux et prévenir les décès solitaires.
Ces initiatives reflètent une prise de conscience croissante de l’impact de la solitude sur la santé publique et la nécessité de données précises pour élaborer des politiques efficaces.
Après la solitude, ensemble, évitons l’indignité
En documentant avec précision le fléau de la mort solitaire, nous serons mieux armés pour le combattre. Le manque de données fiables freine la mise en place de solutions efficaces. Dans le cadre de sa dernière campagne de sensibilisation sur la mort solitaire, l’association Petits Frères des Pauvres propose à chaque citoyen de choisir l’action la plus urgente à mettre en place :
- Créer un observatoire national de la mort solitaire chargé notamment de fournir des statistiques officielles
- Proposer un formulaire en ligne de signalement pour que les citoyens signalent des cas de mort solitaire
- Avoir un système d’alerte de la part des prestataires de service (électricité, Internet, téléphonie, etc.)
- Créer une date annuelle d’hommage en mémoire de toutes les personnes décédées seules
En tant qu’acteur clé dans la lutte contre l’isolement des personnes âgées, les Petits Frères des Pauvres continuent de jouer leur rôle de lanceur d’alerte en publiant des bilans annuels. Mais pour aller plus loin, les pouvoirs publics doivent également prendre leurs responsabilités parce qu’aucune personne ne devrait mourir seule dans l’indifférence.