Début novembre, les Petits Frères des Pauvres ont été conviés à un atelier de travail sur les « enjeux éthiques et juridiques des technologies au bénéfice des personnes âgées » dans le cadre de l’élaboration d’un rapport confié à Fabrice Gzil (Espace Ethique Ile-de-France) et Solenne Brugère (avocate) par la filière Silver Economie. Cette invitation a été l’occasion pour l’association de présenter ses positions et ses recommandations pour pouvoir sécuriser et réglementer les pratiques de cette jeune économie au service de nos aînés.
Les Petits Frères des Pauvres sont bien entendu satisfaits que la filière s’empare de manière approfondie des questions éthiques liées à l’utilisation des nouvelles technologies à destination des personnes âgées.
Nous sommes convaincus que ces technologies peuvent être un plus pour favoriser le maintien à domicile souhaité par les Français à condition qu’elles restent toujours des outils dont l’emploi se fait en complémentarité d’une politique globale de prise en charge de la longévité.
De plus en plus d’aînés utilisent d’ailleurs ces nouvelles technologies du moment qu’elles y trouvent un intérêt.
Rappelons que l’exclusion numérique est devenue un facteur aggravant d’isolement alors que les aînés internautes utilisent essentiellement les outils numériques pour être en contact avec leurs proches.
Pour les Petits Frères des Pauvres, conjuguer nouvelles technologies et éthique c’est
Être contre toute forme de marchandisation du lien social
L’isolement relationnel et la souffrance ressenties par les personnes ne doivent, en aucun cas, être un argument marketing pour présenter une proposition commerciale. Les innovations technologiques doivent toujours être présentées comme des outils (et seulement des outils) pouvant faciliter le quotidien. Une vigilance particulière doit être portée à la sémantique utilisée dans les promesses commerciales : ne pas utiliser des termes comme « robots sociaux », « accompagnement relationnel », « rupture de l’isolement ».
2. Penser les outils technologiques à partir des besoins des personnes âgées
De nombreuses innovations sont actuellement développées dans la simple visée de répondre à l’angoisse des familles ou au confort des professionnels dont les métiers sont en tension. Nous alertons également sur l’usage de technologies qui auraient pour objet d’informer sur l’état de santé (rapidité de la marche, taux d’hydratation, etc) de la personne et qui pourraient aboutir à poser des évaluations ou des diagnostics sans l’intervention de professionnels. Un des risques serait aussi que la modification de comportement induite par des capteurs n’alertent que lorsque qu’un critère physique est en dessous d’un seuil sans prendre en compte humainement la détresse morale ou le sentiment de solitude de plus en plus prégnants chez nos aînés.
N’exclure aucune personne âgée de ces technologies du « Bien Vieillir »
De nombreux discours autour du « Bien Vieillir » sont associés à des technologies coûteuses (achat et installation de matériel, abonnement mensuel). Si des innovations technologiques à l’utilité avérée sont développées, elles doivent bénéficier à tous, y compris les personnes aux revenus modestes.
Au-delà de la possibilité d’acquérir ces technologies, tous les aînés doivent avoir la possibilité d’être accompagnés dans la compréhension de leur fonctionnement et de leur usage via des intermédiaires de confiance (bénévoles, professionnels agréés).
Travailler sur le consentement éclairé des personnes et l’utilisation des données personnelles dans le cadre de l’usage de ces technologies
L’effectivité de l’accès à l’information et à sa bonne compréhension sont un véritable enjeu éthique pour permettre aux personnes âgées d’avoir un consentement éclairé. Le recueil et le traitement des données personnelles sont un enjeu majeur. La traçabilité et l’utilisation des données personnelles doivent faire l’objet d’un encadrement spécifique dès lors que ces technologies concernent des personnes potentiellement vulnérables.
Investir davantage dans le développement des capacités des individus à interagir de manière appropriée avec les plus vulnérables d’entre nous
Nous interrogeons aujourd’hui cette tendance à vouloir investir financièrement sur le développement de solutions technologiques ou numériques sans investir massivement dans un travail profond sur les postures des humains. Nous interrogeons également le manque de formation des ingénieurs et développeurs qui conçoivent des solutions technologiques à l’attention de personnes dont ils ne connaissent rien.