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Tiné : J’ai toujours eu une tendresse infinie pour les personnes âgées

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Tiné, bénévole des Alpilles, retrace, dans un témoignage bouleversant, ce qui a été sa vie et sa rencontre avec les petits frères des Pauvres.

Je m’appelle Tiné Raynal, ou plutôt c’est comme celà qu’on m’appelle depuis ma naissance. Un surnom aura remplacé toute ma vie mon prénom, Henri, qui était aussi celui de mon père. Je suis professeur d’EPS à la retraite depuis une dizaine d’années, ce qui signifie que j’ai plus de 70 ans aujourd’hui. Pour être plus exact, je viens d’avoir 72 ans, mais à mon âge, deux ans de plus ou de moins, ça ne veut plus dire grand-chose.Mes parents étaient instituteur et institutrice dans une petite école de campagne du centre de la France. Ma chambre était située au-dessus de la classe de ma mère, et c’était un petit bus qui chaque matin faisait le tour des fermes environnantes pour récupérer et conduire à l’école tous mes copains. Maman enseignait aux petits et papa aux plus grands de cette école au cœur de la Bresse. En plus d’avoir toujours 100% de réussite au certificat d’études, papa était fier d’offrir à tous les élèves de cette petite école de La Reine le plus bel arbre de Noël de toute l’académie. Lorsque j’avais dix ans, je l’accompagnais moi-même dans une forêt voisine couper l’immense sapin que l’on déposait dans la classe de maman et qui serait décoré par les petits de sa classe. La veille au soir des vacances, mes parents déposaient un magnifique jouet personnalisé pour chacun des élèves des deux classes. Pour gagner l’argent nécessaire à ces cadeaux, papa organisait pendant les longs mois d’hiver deux séances de cinéma par semaine. Tous les samedis et dimanches, c’était cinéma paradiso dans ma maison. Ces jouets, nous allions toujours les chercher à la mi-décembre dans une usine située à Nantua dans le Jura. Ces soirs là, la vieille 203 peugeot noire du père Raynal se transformait en charriot du père Noël. Si je me suis longuement étendu sur cette période de mon enfance au risque d’ennuyer le lecteur, c’est qu’elle a été le fondement de mon éducation. Le bonheur partagé que je lisais dans les yeux de mes parents lorsqu’ils plaçaient les jouets sous le sapin est resté à jamais gravé dans ma mémoire.Je n’aimais pas l’école, et elle me le rendait bien. Du coup je n’étais qu’un élève moyen. Ce n’est pas facile d’être un élève moyen lorsqu’on est le fils de l’instituteur qui vous dicte et vous corrige deux dictées par semaine… Mon père était généreux jusque dans ses colères, et je me demande encore comment mes oreilles ont survécu aux affreuses règles du participe passé. A l’école, j’aimais les récréations, les cours d’Education Physique et Sportive et surtout le football, mais plus que tout mon ami Noël et quelques jolies copines aux yeux clairs. Pour une présentation plus complète, j’ajouterais qu’à 15 ans on m’a offert ma première guitare et que c’est à cet âge là que j’ai commencé à écrire mes premières chansons.Par miracle et pour faire comme mon ami Noël, qui lui était bon élève, j’ai fini professeur d’EPS. De 1969 à 1979 j’ai surtout enseigné dans le supérieur en formant les futurs professeurs d’Algérie, puis du Togo. Au Togo, j’entraînais aussi les boxeurs, et l’un d’entre-eux est devenu champion d’Afrique et à disputé un championnat du monde.Je croyais m’ennuyer lorsqu’en septembre 1979 je suis revenu définitivement en France, et que j’allais devoir enseigner dans un collège de Provence, très exactement au collège Albert Camus de Miramas. Nous avions deux petites filles, et la troisième allait naître à la fin de ce mois-là. Mais enfin, m’occuper de gamins entre 11 et 16 ans tout au plus, après avoir contribué à former des étudiants et des athlètes de haut niveau, tout çà m’apparaissait peu réjouissant. Ce fut tout le contraire qui se passa. Très vite, je me suis pris d’une vraie passion pour tous ces enfants dont j’avais la charge. J’ai compris qu’en plus d’être leur professeur d’une discipline que généralement ils aimaient, je pouvais leur apporter bien davantage. Le souvenir de mes parents dans la petite école de La Reine était plus présent que jamais. Non seulement je voulais qu’ils apprennent et progressent dans différentes disciplines enseignées, mais je voulais surtout les aider à devenir de belles personnes, condition essentielle à mon avis pour être heureux.J’ai écrit un livre sur les 8 actions que j’ai mises en place dans mes 26 années passées au collège de Miramas pour développer la solidarité et la citoyenneté, la lutte contre la violence, le racisme, le harcèlement. Il s’intitule Du bonheur dans mon collège encore vendu à la FNAC. Dans mon collège, j’ai créé un club de Solidarité avec plus de 400 adhérents, une caisse bien garnie par toutes sortes d’actions faites par les enfants pour intervenir en cas d’urgence et venir en aide à des familles en difficultés, mais aussi un point SOS Amitié et une salle de réconciliation. La totalité des élèves de sixième était parrainée par un grand ou une grande de troisième ou de quatrième. En 2005 j’ai quitté mon collège. Il y avait plus de 300 anciens élèves qui, informés par internet, m’avaient fait la surprise et le bonheur de revenir pour mon pot de départ à la retraite, mais aussi environ 400 parmi les nouveaux. Avec mes 700 parts de pizza, mes 30 litres de punch pour les anciens, et les dizaines de litres de boissons pour les plus jeunes, je suis peut-être passé pour un pingre car tout fut englouti en moins d’une demi-heure. Ce départ reste un des moments les plus émouvants de mon existence. Ceux qui pensent que les ados ne sont pas reconnaissants se trompent beaucoup.Mes amis pensaient qu’une fois à la retraite je continuerais à m’occuper de jeunes en difficultés. Mais je savais que mon efficacité ne serait plus jamais la même qu’à l’intérieur de mon établissement. Après quelques années consacrées uniquement à ma famille et à ma nouvelle vie de papi, j’ai ressenti l’envie de m’investir à nouveau, d’être utile. J’ai toujours eu une tendresse infinie pour les personnes âgées.C’est sur internet que j’ai trouvé, il y a un peu plus de cinq ans, l’adresse des Petits Frères des Pauvres des Alpilles. Une association laïque et apolitique, dont le souhait était d’apporter les fleurs avant le pain aux personnes démunies souffrant de solitude, ça me convenait assez bien. De plus il semblait qu’en tant que bénévole on gardait toute sa liberté, et le rythme des visites était propre à la volonté de chacun. J’étais impatient de me faire un ou une nouvelle amie et de lui rendre des visites régulières. Au début des années 2010, il y avait pléthore de bénévoles dans notre association (environ 25 personnes). Du coup j’ai dû prendre mon mal en patience et attendre tout un trimestre avant que l’on me propose de visiter Lucie de Châteaurenard. Et encore, je n’étais pas seul à lui rendre visite puisque le dynamique et dévoué Richard la suivait depuis quelques années, et je n’étais que son binôme.LucieLucie a 91 ans. C’est un pur hasard mais mes amis Roger et Charles ont eux aussi 91 ans. Renée est la petite jeune de la bande, puisqu’elle n’a que 88 ans.Il me semble que c’est en 2011 qu’a eu lieu ma première rencontre avec Lucie. C’est une dame coquette et frêle, mère de trois garçons et qui est originaire de Constantine en Algérie. Une pied noir donc, qui a conservé un sacré tempérament. Elle habite une petite maison qu’elle loue dans un quartier à la périphérie de Châteaurenard.Après la disparition d’un de ses fils, et une attaque cérébrale, Lucie se retrouve bloquée sur un fauteuil roulant. Mais c’est une battante ! Elle apprend à manœuvrer cet engin avec dextérité afin de retrouver un peu d’autonomie. Il n’est pas rare, lorsque le temps le permet, de la voir véhiculer seule sur les trottoirs ou dans les rues de la ville.Depuis quelques années Lucie surfe sur internet. Elle s’intéresse à beaucoup de choses, et même à la politique. Même si nous n’avons pas toujours les mêmes idées, je suis toujours ravi de lire ses petits commentaires sur internet. Bien sûr, elle fait partie de mes 1.250 amis Facebook et je trouve amusant et touchant de recevoir parfois un petit message de cette dame au milieu de ceux expédiés par mes nombreux anciens élèves. Ce moyen de communication est bien pratique pour avoir des nouvelles pendant les deux mois d’hiver où je pars dans les îles.J’aime beaucoup Lucie qui cache sa fragilité derrière une carapace de fermeté apparente. Mais à plusieurs reprises je l’ai trouvée en pleurs sur son fauteuil, effondrée parce qu’elle ne pouvait ramasser un objet tombé à terre, ou parce qu’un problème était survenu à son fauteuil électrique ou à son appareil auditif. Si elle ne me chasse pas (je rigole), je la garderai toujours…RogerTrès vite après ma première expérience d’accompagnement auprès de Lucie, on m’a proposé de suivre un vieux monsieur de Saint-Rémy-de-Provence qui lui aussi souhaitait quelques visites. Roger a une fille unique, Régine, et aussi une petite fille qui habite en Camargue. C’est un homme petit et bien charpenté, costaud même, qui a un regard d’une douceur infinie, qui me rappelle un peu celui de mon père. Mais son veuvage l’a laissé seul dans une grande maison située à la sortie du village en direction d’Arles. Roger était grainetier, c’est à dire qu’il a passé sa vie à faire des fleurs comme son père avait fait avant lui, qu’il expédiait parfois jusqu’au Pays-Bas. Les premières années, nous pouvions sortir Roger et moi, faire un petit tour dans le centre de Saint-Rémy pour déguster un gâteau ou une bonne glace.Malheureusement, après plusieurs séjours à l’hôpital, Roger a perdu toute son autonomie. Aujourd’hui, il passe ses longues journées sur un fauteuil, immobile devant son poste de télé toujours branché. Sa fille passe le voir chaque jour après son travail, mais à part les passages des infirmiers et autres aidants, mon ami Roger doit trouver le temps long. Il m’a raconté mille fois ses courses dans les collines lorsqu’il était enfant, sa rencontre avec son épouse, son travail et la vie d’avant, ses parties de football, les sorties au cinéma qui se terminaient souvent chez les parents de sa copine Niniche qui fabriquaient de délicieux fruits confits. Il a conservé toute sa mémoire ancienne et c’est pourquoi nous parlons beaucoup du passé. Je revis avec lui la communion de son ami Marino, qui était très pauvre et avait fui l’Italie de Mussolini. Pas une fois Roger a oublié de me mentionner combien Marino chantait bien. Je pense que ça lui aura été utile puisqu’il a fini curé. Mais son meilleur ami d’enfance s’appelait et s’appelle toujours Charles.CharlesCharles est donc le meilleur ami de Roger. Malgré ses 91 ans, c’est un jeune homme. J’avais entendu parler maintes fois de lui par Roger donc, mais aussi par sa fille Régine. Les deux s’inquiétaient de le savoir seul dans sa maison depuis la disparition trois années plus tôt de son épouse Monique. Ils lui avaient parlé en bien de cette association des petits frères des Pauvres qui rendaient quelques visites aux personnes isolées comme lui, et dont Roger était très satisfait, mais Charles ne ressentait pas le besoin d’être accompagné. Et puis, au cours d’une hospitalisation assez longue et sévère de Roger à Arles, je me suis retrouvé au chevet de notre ami commun en compagnie du fameux Charles. Il conduisait sa petite voiture lui-même et nous avons pu bavarder longuement, malgré l’inquiétude qui nous tenaillait l’un et l’autre. Mais Roger a fini par guérir et a retrouvé sa maison de Saint-Rémy.Comme toutes les personnes qui le croisent, je suis moi aussi tombé sous le charme de cet homme mince, intéressé par tout ce qui touche les autres et notre monde. Ce petit homme plein d’humanité a finalement rejoint notre association, et j’ai le bonheur d’être le bénévole qui l’accompagne. Charles a fait plusieurs métiers, dont celui de restaurateur, et il a trois enfants qui malheureusement vivent assez loin de la Provence: une fille en Alsace, une autre à Nice, et un fils au Texas. J’ai fini par connaître la grande majorité de sa famille qui est très reconnaissante de notre action. Charles vient parfois partager un repas avec ma famille dans ma maison d’Entressen, et c’est toujours une fête. Lui aussi se débrouille parfaitement sur internet, ce qui lui permet notamment de contacter son fils Yves régulièrement par Skype.Je vous l’avais dit : le temps n’a pas de prise sur Charles qui est un éternel jeune-homme. Lui aussi fait définitivement partie de ma famille.RenéePrécédemment, en vous parlant de mon ami Roger, j’ai fait allusion à son amie de jeunesse Niniche . Bien sûr, elle est aussi depuis toujours une amie de Charles. Son véritable prénom est Renée, et depuis longtemps elle fait partie de notre association des petits frères des pauvres. Je la voyais à chaque repas de Noël, pour la galette des rois, ou une sortie quelconque que nous organisions. Toujours en compagnie de Claudine, la charmante bénévole qui l’accompagnait depuis de nombreuses années, j’étais toujours charmé par le merveilleux sourire qu’affichait en permanence cette dame, malgré une silhouette qui disait clairement que la vie n’avait pas été facile pour elle. J’aimais bien sa compagnie, et à plusieurs occasions j’avais même communiqué avec elle par téléphone.Des problèmes de santé n’ont malheureusement plus permis à Claudine de rencontrer Renée aussi souvent qu’elle le faisait auparavant. L’association lui cherchant un bénévole supplémentaire, il m’a semblé logique, étant l’accompagnant de Roger et de Charles, de devenir aussi celui de Niniche . En fait, je fais maintenant partie d’une bande, et j’en suis très heureux.Renée est une belle personne, hospitalière et généreuse, qui parle volontiers du temps passé et de la vie. Son immense blessure est d’avoir perdu sa petite-fille dans un accident. Parfois elle m’avoue qu’à son âge, et avec ses douleurs qui lui courbent le dos et l’empêchent de bien se déplacer, la mort ne lui fait pas peur. Elle me parle ainsi à voix basse, depuis une paralysie récente d’une corde vocale, tout en affichant sur son visage son éternel sourire. Alors j’essaie de lui dire combien elle est importante pour nous tous, et combien elle nous manquerait. Il y a moins d’une année que je suis le bénévole officiel de Renée, mais vous l’aurez compris, elle aussi je l’aime très fort. 

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Audrey Achekian
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