L’envie d’en finir. De tous temps, les personnes âgées de plus de 65 ans ont toujours été la population la plus à risque de décès par suicide. En 2016, 2 695 personnes âgées se sont donné la mort, ce qui correspond à 31 % du total des suicides (Inserm CédiDc 2016).
Mais depuis la crise sanitaire, il semble que ce phénomène d’idées suicidaires prenne de l’ampleur chez tous les Français, et plus particulièrement chez les plus âgés.
La dépression, fait le lit du suicide ?
Les Petits Frères des Pauvres le constatent tous les jours : pendant cette période, de nombreuses personnes âgées se sont retrouvées de plus en plus isolées et angoissées. La ligne d’écoute et de soutien téléphonique des Petits Frères des Pauvres, Solitud’écoute a d’ailleurs enregistré une augmentation de 15 000 appels sur l’année 2020 par rapport à 2019. « La ligne Solitud’écoute a connu un pic d’appels pendant les confinements avec des personnes âgées angoissées et dépressives. Nous avons constaté une hausse d’appels de personnes qui exprimaient des tendances suicidaires surtout en fin d’année », observe Mélanie Rossi, Cheffe de Projet Téléphonie Sociale pour notre Association.
Notre rapport sur l’isolement des personnes âgées et les effets du confinement publié en juin 2020 a aussi révélé que le confinement a généré un impact négatif sur la santé mentale pour 41 % des personnes âgées, or une bonne santé psychique et un soutien moral jouent un rôle essentiel vis-à-vis du risque suicidaire. En effet, les principaux facteurs de risques du passage à l’acte chez les personnes âgées sont le deuil, l’isolement et la dépression.
Plusieurs autres études attestent que le moral des Français est en berne… L’enquête CoviPrev de Santé publique France sur l’état psychologique de la population montre que 21 % des Français sont touchés par la dépression, c’est deux fois plus que l’année précédente. Nos aînés sont particulièrement impactés, d’après les observations de l’hôpital Charles Perrens à Bordeaux (33) qui a ouvert une ligne téléphonique depuis le confinement. Plus de 20 % des consultations ont été réalisées avec des retraités qui ressentent un fort isolement.
Les pensées suicidaires en hausse pendant le confinement
Si les chiffres officiels du nombre de suicides en 2020/2021 ne nous parviendront pas avant plusieurs mois voire années, ces quelques éléments annoncent d’ores-et-déjà de terribles nouvelles…
D’autant qu’une étude de la Fondation Jean Jaurès réalisée avec l’IFOP réalisée avant le deuxième confinement auprès de 2000 Français, dévoilait que parmi les 20 % à avoir envisagé le suicide au cours de leur vie, 18 % l’avait fait depuis mars 2020… Parmi les personnes ayant eu des pensées suicidaires au moins une fois dans leur vie, 11 % d’entre elles les avaient eues durant le premier confinement, 17 % depuis le déconfinement.
Un manque criant de liens sociaux et de perspectives d’avenir ?
Pour les personnes âgées, les différents confinements ont considérablement réduit les interactions sociales. Notre rapport de juin 2020 indiquait notamment que 720 000 personnes âgées n’avaient eu aucun contact avec leur famille durant le 1er confinement et 650 000 n’avaient trouvé personne à qui parler. Pour 32 % des Français de 60 ans et plus, la solitude était ressentie tous les jours ou souvent. Privés de liens sociaux et familiaux, nos aînés plongent dans une profonde dépression…
« Le confinement, c’est très triste. Je me sens seule. Personne ne vient me voir. Je tourne en rond dans ma chambre. Les journées sont interminables. », témoigne Claudette, 87 ans.
Des témoignages de solitude auxquels les bénévoles de ligne Solitud’écoute font face au quotidien : « « Je suis tellement seule », « je tourne en rond comme un animal en cage » … ce sont les témoignages que nous recevons sur la ligne Solitud’écoute. Et cette solitude extrême, ils finissent par ne plus la supporter », révèle Mélanie Rossi.
« Les conséquences de l’isolement, ce sont d’abord des troubles psychiques, et en particulier dépressifs. L’absence de lien social contribue beaucoup à la dépression chez le sujet âgé. La meilleure façon de lutter contre cette dépression, c’est le maintien d’un lien social de qualité. C’est un élément protecteur contre le risque de passage à l’acte suicidaire. La solution est humaine, elle n’est pas seulement médicamenteuse. La bonne pilule antidépressive, c’est le lien social ! », explique François Puisieux, gériatre au CHU de Lille.
Dans un monde en pleine crise sanitaire où les lendemains sont incertains, les personnes âgées peinent également à se projeter et questionnent leur place dans la société. « Très vite, depuis le début du confinement, nous avons eu des appels de panique avec des personnes qu’il est impossible de raisonner ou de rassurer. Ils ont des boules de panique et d’angoisse de l’avenir. « Je suis seul, je ne sais pas où on va, comment ça va se passer ? » Les appelants sont de plus en plus angoissés et ils se sentent encore plus exclus que les autres parce qu’ils sont âgés. La plupart sont dans le moment présent, avec peu de projection dans le futur », précise Héloïse, bénévole écoutante à Solitud’écoute.
Privés de liens sociaux, exclus de la société, sans projection d’avenir, nos aînés tombent dans une profonde dépression qui peut les conduire petit à petit au suicide. Si vous repérez un tel mal-être chez une personne âgée de votre entourage, voici 5 bons réflexes pour agir.